Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)

ITABIE ET CORFOU 63

Au lieu dé trois mois de solde qui étaient annoncés par l’ordre de l’armée, on n’en paya qu'un aux officiers et aux soldats. J’en fis ma plainte à M. le général Gentili qui me répondit qu'on attendait de nouveaux fonds, et m'engagea à prendre patience.

Je ne tardai pas à être instruit par plusieurs officiers de la garnison qu'il paraissait constant qu'une somme de 75,000 francs avait été partagée entre trois ou quatre individus ; le chef de bataillon Darbois, faisant fonction de chef de l’état-major de la division, l'inspecteur, le payeur et le garde-magasin, qu’il était d'autant plus facile de s'en apercevoir que ces messieurs faisaient depuis quelque temps des dépenses un peu trop fortes. J'en référai aussitôt à M. le général Gentili, brave vieillard et infirmet, qui fut assez faible pour croire son chef d'état-major incapable d’avoir pris part à une pareille friponnerie.

Le lendemain de mon rapport, le général s’embarqua pour aller visiter les îles de Céphalonie *, Zante, Preveza, etc., etc., dépendantes de son gouvernement, à l'effet d'y installer les nouvelles autorités. Pendant son absence, qui dura quinze jours, j'eus le temps de prendre tous les renseignements qui m'étaient nécessaires pour me convaincre de la réalité de ce vol. J’accueillis les réclamations des officiers de la garnison avec d'autant plus d'intérêt qu’il s'agissait de venir à leur secours dans un moment où ils avaient le plus grand besoin de leur solde, et de démasquer les principaux

4 J1 était affaibli par les infirmités plus que par l’âge, ayant cinquante et un ans, et demandait un successeur!

2 C'est par Céphalonie qu'il commenca, et c’est de là qu'il adressa à Bonaparte son premier rapport sur cette tournée, qu'il annonçait devoir durer quarante jours (daté du 23 thermidor, 10 août).