Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)

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qui servaient à recevoir le calice sur l'autel. Le peuple courut en foule dans les églises, en chassa et maltraita tous ceux qui s’y trouvaient. J’y envoyai sur-le-champ plusieurs piquets de troupes qui parvinrent à dissiper les rassemblements et à sauver les ouvriers de la fureur des révoltés. Je fis redoubler les postes et les patrouilles. Le lendemain dimanche, tout parut assez tranquille. A neuf heures du matin, les nouveaux prêtres se rendirent dans leurs églises pour y dire leurs messes. Bientôt l’émeute recommença. L’attroupement se grossit à la porte de l’église. Le préfet ‘ me fit une réquisition d’une trentaine d'hommes et un officier, pour être à la disposition du maire ?. De mon côté, je fis mettre sous les armes 300 hommes d'infanterie et 150 chasseurs à cheval prêts à marcher. A peine le maire parut-il avec le détachement, que la populace lui défendit d'entrer dans l’église avec son escorte, et le maire eut la faiblesse d’obéir. Pendant ce temps, les nouveaux prêtres officiaient et n'étaient nullement à l'abri des insultes, puisque des pierres leur étaient lancées, et qu’un des plus forcenés eut la témérité d’aller en trouver un à l’autel, et l’obligea, le verre à la main, de choquer avec son calice, et lui versa même de son vin. Tant d’horreurs se commettaient sans que le préfet montât à cheval pour donner plus promptement ses ordres. J'étais moi-même malade et obligé de garder la chambre. Aïnsi le maire, le commissaire de police et le détachement de trente hommes étaient exposés à la porte de l’église aux insultes et à la risée de la canaille.

1 C'était Barante (Brugière de), père de l’historien.

2: C'était. Thorou aîné, ancien lieutenant-colonel, nommé maire en floréal an VIII.