Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)

BRETAGNE, CARCASSONNE, LA ROCHELLE 85

A midi, le préfet fit publier une proclamation pour rappeler le peuple à ses devoirs, ce qui n'eut aucun effet. Alors je commençai à perdre patience. J’ordonnai que les 300 hommes d’infanterie et les 150 de cavalerie se transportassent sur la place d’armes, et y restassent en bataille pour en imposer aux mulins. Je m'habillai et me transportai avec quelques officiers et huit de mes grenadiers au lieu du rassemblement, et je demandai au maire, qui ne pouvait plus se faire entendre, pourquoi, après les voies de douceur, il n’avait pas fait agir la force pour exécuter ses ordres. Sur sa réponse qu'il n'avait point l’ordre du préfet d’en agir ainsi, je l’engageai à faire venir de suite les pompes à incendie remplies d'eau, et à les faire jouer sur la foule, ne voyant pas de moyen plus sûr pour la dissiper. Mon avis ayant été accueilli, les pompes arrivèrent, escortées par vingtcinq chasseurs à cheval, et commencèrent leur jeu. Dans un instant les trois quarts de la populace se sauvèrent, la cavalerie fit sauver le reste, et nous restämes enfin maîtres du champ de bataille. Ainsi, par un moyen très simple, disparut ce fameux rassemblement que le préfet, ni le maire, ni le commissaire de police n'avaient pu dissoudre toute la matinée. Dès ce moment la tranquillité fut rétablie !. |

! Cet emploi des pompes dans une circonstance analogue rendit populaire, trente ans après, le souvenir du comte de Lobau. Celui-ci en dut-il l'idée à quelque entretien avec le général Godart, par exemple dans les tristes loisirs de Dresde en 1813?

V. AAE, aux notes, sur la terminaison de cette agitation.

Les passions religieuses causèrent encore quelque émotion à Carcassonne (27 frimaire, 18 décembre), à Perpignan, qui était alors du même diocèse (nivôse, fin de décembre). L’évêque se rendit dans cette dernière ville, et y montra des dispositions modérées et conciliantes dans lesquelles il persista désormais. Il refusa même l’archevêché de Narbonne et celui d'Auch, pour rester à Carcassonne, où il mourut le 19 septembre 1824. ! FI