Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)

86 MÉMOIRES.DU GÉNÉRAL GODART

Le préfet, piqué sans doute de l’espèce de supériorité que j'avais acquise, quoique éloigné pourtant d’en prétendre le moindre mérite, me fit quelques tracasseries auxquelles je ne devais point m’attendre. Il se plaignit que l'officier commandant le détachement n’avait pas fait son devoir, en ne pénétrant point dans l'église pour empêcher d'insulter les prêtres à l’autel. Il voulait enfin que cet officier fût jugé par les tribunaux. Ma réponse était bien simple : pourquoi le maire, à la disposition duquel était ce détachement, et qui se trouvait à la tête, s’en laissa-t-il imposer à l'entrée de l’église par la multitude, et n’osa-t-il pas entrer lui-même? Le détachement était pour le protéger; l’officier devait en tout déférer à ses ordres; et de fait il remplit sa mission comme il le devait. S’il y avait des coupables à punir, ce ne pouvaient être que le maire et le commissaire de police. Je m'opposai conséquemment à ce que l'officier fût puni.

Le lendemain, un homme respectable de la ville, M. Fabre, président du tribunal criminel, vint me dire en confidence que le préfet cherchait à me faire une mauvaise affaire auprès du gouvernement. Surpris d’un pareil procédé de la part du préfet, procédé que je méritais d'autant moins que j'avais toujours tâché à agir de concert avec lui, et que d’ailleurs je n’avais pris que des mesures sages, qui avaient réussi à rétablir la tranquillité, je me déterminai alors à faire de mon côté un rapport très détaillé dans lequel je n’omis point les fautes graves qu'avait commises le préfet en cette journée, ainsi que la faiblesse des autres autorités locales. Je fus obligé par la même raison d'écrire toutes les mesures, que j'avais prises moi seul, pour empêcher l’insurrection. Mon rapport était si vrai et si concluant,