Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)

26 MÉMOIRES DU GÉNÉRAL GODART

Cette leçon fit planche pour tous les autres. Dans une inspection que je passai le lendemain, je ne manquai point de parler de la correction aux deux mêmes individus, en présence de leurs camarades qui en rirent beaucoup. La fermeté que je mis à cet égard détermina tous les officiers à se prêter avec plaisir à mon système, de manière que qui que ce soit ne se tutoya jamais dans mon bataillon ‘.

L'armée rentra en campagne en mai 1194. Alors je quittai mon cantonnement pour me rendre à Maubeuge (j'avais alors un bataillon fort de 1,200 hommes présents sous les armes *). Le lendemain je fus bivouaquer sur la route de l'abbaye de Kerchin. Je tombai malade, et ne pus me rendre à l’hôpital de Maubeuge que sur une voiture. Dans mon malheur je fus heureux qu’un chef de bataillon du 74° régiment * arrivât presque en même temps que moi dans cet hôpital, parce qu’au moins je l’eus pour mon camarade de lit, au lieu que, sans lui, on m’eût donné un soldat à coucher avec moi : système de l'égalité.

J'y restai quarante jours ; après quoi j’obtins, non pas sans peine, de loger chez le bourgeois : on avait voulu me placer aux convalescents parmi les soldats #. Dans ces entrefaites, mon bataillon eut l’ordre de revenir de

1 V. K, aux notes.

* Les différents corps avaient èté complétés par une nouvelle réquisition en ventôse et germinal (mars et avril), Le 6e bataillon du Pasde-Calais avait son dépôt à Hesdin.

$ Le travail de la formation par amalgame des demi-brigades se poursuivait alors ; les termes de régiment et de colonel n'étaient usités officiellement que pour la cavalerie; mais, dans l'usage ordinaire, on les employait souvent aussi pour l'infanterie. Godart lui-même en donne l’exemple.

* Le représentant Vidalin, à Reims, défendit, le 15 floréal (4 mai), aux militaires de se faire traiter autre part que dans les hôpitaux militaires, sous peine d'ètre ramenés à leurs corps par la gendarmerie,