Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)
28 MÉMOIRES DU GÉNÉRAL GODART
jugés par la cour martiale qui y était établie. Dans l’interrogatoire qu'ils subirent, ils osèrent affirmer que tout ce qu’ils avaient fait était par mes ordres, et exhibèrent en effet un ordre, soi-disant de moi, qu’ils avaient fabriqué, au pied duquel ils avaient contrefait ma signature et apposé mon cachet qu’ils étaient parvenus à me subtiliser. Ils persuadèrent enfin le commissaire du gouvernement que ce n'était que d’après mes ordres qu'ils en avaient agi ainsi. Il n’en fallut pas davantage pour me faire arrêter moi-même, et conduire par deux gendarmes dans les prisons d’Avesnes ‘.
Je comparus devant le commissaire du tribunal auquel je reprochai mon arrestation arbitraire; mais il me répondit qu’il avait en main les preuves de ma culpabilité, et me montra l’ordre en question dont étaient porteurs les quatre guides. J’eus beau nier, représenter les preuves du contraire, et alléguer toutes sortes de raisons qui démontraient la fausseté et la lâcheté de mes dénonciateurs; je ne pus rien obtenir du commissaire du gouvernement qui persista à me laisser en prison. On était alors à l'époque du régime décemviral ? où l'on incarcérait pour oui ou pour non de braves gens de toutes les classes, sur la simple dénonciation de quelque scélérat ?.
1 Depuis l'éntrée de Godart dans la principauté de Chimay jusqu'à son incarcération, Jourdan amenant l’armée de la Moselle l'avait réunie à celle des Ardennes et à l'aile droite de celle du Nord; un sixième passage de la Sambre nous avait rendus maîtres de Charleroi (30 prairial, 18 juin), et la victoire de Fleurus (8 messidor, 26 juin), avait été suivie du décret de la Convention constituant l'armée de Sambre-et-Meuse sous le commandement de Jourdan (11 messidor, 29 juin). Pichegru et Jourdan s'étaient réunis à Bruxelles (22 messidor, 10 juillet).
? C’est ainsi qu'on désigne souvent l'omnipotence du Comité du Salut public en l'absence d’une constitution,
3 V. N, aux notes.