Mémoires sur la Révolution française

ON M'ENFERME À SAINTE-PÉLAGIE 465 permirent de prendre du linge et tout ce dont j'aurais besoin, me firent monter dans un fiacre et me menèrent à Sainte-Pélagie, le trou le plus triste, le plus sale etle plus incomfortable du monde. C'était, avant la Révolution, une maison de correction. Nous étionsau mois de maietilétaitsix heures dusoir quand j'yentrai.

La journée avait été magnifique, mais dans ce triste séjour on ne voyait pas trace de printemps. Les autres prisonniers étaient , comme moi, tout en larmes, effrayés de ce qui devait leur arriver, et pleins de pitié et de prévenance pour moi, leur nouvelle compagne. Nous devinmes à l'instant des amis . intimes : il y en avait là beaucoup que je croyais être hors de France; mais quand on apporta notre misérable souper, du jambon, des œufs et de l’eau malpropre, qui parut devant moi, et me prit dans ses bras en fondant en larmes? Ce fut cet infortuné duc de Biron. J'ai rarement dans ma vie été impres-

sionnée aussi péniblement.