Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques

= ee. le désirable même? Or, cet objet n'estil pas Dieu, et par conséquent Dieu de moins, n’y at-il pas pour nous, quelque puissent être d’ailleurs nos divertissements et nos entraînements, ce sentiment de la vanité de nos recherches et de nos désirs, qui n’estautre que l’ennui? Que nous font toutes les choses qui excitent le plus notre curiosité, et obtiennent le plus notre attachement, quand Dieu en est absent? Le dégoût en vient vite, destituées qu’elles sont de leur suprême attrait; réduites à elles-mêmes, elles ne nous suflisent plus, ne nous captivent plus, ne nous remplissent plus, elles ne nous laissent que vide et tristesse dans l'âme. Avec Dieu, point de ces longs dégoûts, de ces détachements sans fin, de ces indifférences sans retour, qui se terminent trop souvent au scepticisme et au désespoir; sans Dieu, au contraire, sans Dieu, si toutefois jamais une telleprivation est possible, la vie n'est en effet que solitude et néant, quelque peu de bruit avant le néant, un grand vide pour un peu de mouvement sans but, un infaillible et accablant sujet d'ennui.

On nous parle de la nature pour suppléer en nous le Dieu absent ou nié; mais qu’on le remarque, la nature n'a bien que par lui son charme, sa valeur et son prix. Séparée de son principe, elle n’a plus rien qui nous attire et nous captive profondément, elle rentre dans les vanités, et nous rend à notre solitude. C’est un grand ennui que de vivre avec la nature pour toute fin, et sans Dieu, pour la relever et la couronner à nos yeux.

Et ce qu'on appelle le monde, la société des hommes, les commerces humains, ne valent pas beaucoup mieux pour donner à notre âme cette plénitude de vie, sans laquelle