Mirabeau

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lettre touchante, le suppliant de le sauver de la fermentation terrible où il est; mais si le baïlli aimait beaucoup son neveu, il était l’esclave de son frère. Le marquis de Mirabeau avait d’ailleurs à cette époque un intérêt particulier à tenir son fils en prison : c'était de l’empêcher de seconder la marquise de Mirabeau, laquelle demandait alors en justice la liberté et la jouissance d’une partie de sa fortune personnelle. Aïnsi les plus sordides calculs s’ajoutaient chez lui au fol entêtement de son autorité paternelle. Malheureusement Mirabeau donna à cette époque un grand scandale, que son père n'avait guère le droit de lui reprocher, car (outre l'exemple qu’il donnait par sa propre conduite) il en était lui-même le premier auteur, mais qu’il ne manque pas d'exploiter contre lui.

Ayant fait à Pontarlier, où il avait obtenu de résider, la connaissance d’une jeune et charmante femme, mariée, malgré elle, à un homme veuf et vieux, le marquis de Monnier, il s’éprit pour elle de la plus vive passion et la lui fit partager. Il faut ajouter, comme circonstance atténuante, qu'il avait commencé par résister à l'entrainement et qu'il ne s’y livra qu'après avoir vainement sollité sa femme de venir s'associer à son sort, ce qui lui avait attiré quelques lignes glacées où on lui assurait qu'il était fou. Je ne puis raconter ici toutes les péripéties de cette aventure malgré l'intérêt romanesque qu'elles présentent. Sans rien omettre de ce qui est essentiel pour bien faire connaitre Mirabeau, pour le faire connaître tout entier, je dois sacrifier, ici, ce genre d'intérêt à un autre beaucoup plus élevé et mieux en harmonie avec notre but : celui que nous offre le publiciste et l’homme d’État. Transportons-nous donc tout de suite en Hollande, à Amsterdam, où Mirabeau s'établit sous un faux nom, avec Madame de Monnier, en septembre 1776.