Mirabeau

130

Cette magnifique improvisation de Mirabeau produisit un effet extraordinaire et emporta le vote de l'Assemblée. Elle se leva tout entière, dit un témoin, « demanda d'aller » aux voix et rendit à l'unanimité le décret ». Depuis ce jour, rapporte Étienne Dumont, Mirabeau fut considéré comme un être unique ; il n'eut plus de rival ; il y avait d’autres orateurs, lui seul était éloquent.

La réputation de Mirabeau était si grande, si populaire, que lorsque, dans la journée du 5 octobre, les femmes de la halle partirent pour Versailles, d’où le peuple de Paris voulait ramener le roi, « nous aurons, disaient-elles, l’agrément d'entendre notre petite mère Mirabeau », et lorsqu'elles eurent pénétré dans l’Assemblée, ellesne voulaient qu'entendre leur petite mère, mais Mirabeau ne voulaït point parler dans ce tumulte. Dès son entrée dans la salle envahie, il avait dit de sa voix tonnante : «Je vou» drais bien savoir comment on se donne les airs de venir » troubler nos séances. — M. le Président, faites respecter » l’Assemblée. » Et les femmes avaient crié : bravo ; mais elles n’eurent pas la satisfaction qu’elles s'étaient promise. La gloire a son envers. Mirabeau fut soupçonné, accusé d’être l’un des auteurs des événements auxquels je viens de toucher incidemment. On l’accusait d’être le complice du duc d'Orléans, qu'il aurait voulu porter sur le trône à la place de Louis XVI. Cette accusation était calomnieuse ; Mirabeau avait un souverain mépris pour le duc d'Orléans et il n'avait jamais eu avec lui que des rapports très froids ettrès passagers. « On m’accuse, s’écriait-il à cette occasion, » de vouloir le duc d'Orléans pour maître, je n’en voudrais » pas même pour laquais. » Nulle calomnie ne lui causa un plus vif chagrin : il se montrait désespéré qu’on püt le croire capable d’une telle sottise. Plus tard, l’année suivante, le Châtelet de Paris, à qui l’Assemblée avait attribué