Mirabeau

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besoin, pour vaincre, de toute la puissance de son génie. Mais jamais son génie ne brilla autant qu’à cette heure ; il faut citer comme un modèle d’éloquence l’exorde de sa réplique à Barnave :

« C’est quelque chose sans doute, dit l’incomparable tribun, pour rapprocher les oppositions, que d’avouer nette ment sur quoi on est d'accord et sur quoi l’on diffère. Les discussions amiables valent mieux pour s'entendre que les insinuations calomnieuses, les inculpations forcenées, les haiïines de la rivalité, les machinations de l'intrigue et de la malveillance. On répand depuis huit jours que la section de l’Assemblée nationale qui veut le concours de la volonté royale dans l’exercice du droit de la paix et de la guerre est parricide de la liberté publique ; on répand les bruits de perfidie, de corruption; on invoque les vengean= ces populaires pour soutenir la tyrannie des opinions. On dirait qu’on ne peut sans crime avoir deux avis dans une des questions les plus délicates et les plus difficiles de l’organisation sociale.

» C’est une étrange manie, c’est un déplorable aveuglement que celui qui anime ainsi les uns contre les autres des hommes qu’un même but, un sentiment indestructible devraient, au milieu des débats les plus acharnés, toujours rapprocher, toujours réunir ; des hommes qui substituent ainsi l’irascibilité de l’amour-propre au culte de la patrie, et se livrent les uns et les autres aux préventions populaires! Et moi aussi, on voulait il y a peu de jours me porter en triomphe, et maintenant on crie dans la rue la grande trahison du comte de Mirabeau 1...

» Je n'avais pas besoin de cette leçon pour savoir qu'il est peu de distance du Capitole à la Roche Tarpéienne; mais l’homme qui combat pour la raison, pour la patrie, ne se tient pas si aisément pour vaincu. Celui qui a la conscience d’avoir bien mérité de son pays, et surtout de lui être en-