Mirabeau

nee

» Je ne suivrai pas cet exemple. Je ne crois pas qu'il soit plus conforme aux convenances de la politique qu'aux principes de la morale d’affiler le poignard dont on ne saurait blesser ses rivaux sans en ressentir bientôt sur son propre sein les atteintes ; je ne crois pas que des hommes qui doivent servir la cause publique en véritables frères d'armes aient bonne grâce à se combattre en vils gladiateurs, à lutter d’imputations et d’intrigues, et non de lumières et de talents ; à chercher dans la ruine et la dépression les uns des autres de coupables succès, des trophées d’un jour, nuisibles à tous et même à la gloire. Mais je vous dirai : parmi ceux qui soutiennent ma doctrine, vous compterez tous les hommes modérés qui ne croient pas que la sagesse soit dans les extrêmes, ni que le courage de démolir ne doive jamais faire place à celui de reconstruire. Vous compterez la plupart de ces énergiques citoyens qui, au commencement des Etats généraux (c'est ainsi que s’appelait alors cette Convention nationale encore garrottée dans les langes de la liberté), foulérent aux pieds tant de préjugés, bravèrent tant de périls, déjouèrent tant de résistances pour passer au sein des communes, à qui ce dévouement donna les encouragements et la force qui ont vraiment opéré votre Révolution glorieuse ; vous y verrez ces tribuns du peuple que la nation comptera longtemps encore, malgré les glapissements de l’envieuse médiocrité, au nombre des libérateurs de la patrie; vous y verrez des hommes dont le nom désarme la calomnie et dont les libellistes les plus effrénés n’ont pas essayé de ternir la réputation ni d'hommes privés ni d'hommes publics ; des hommes enfin qui, sans tache, sans intérêt et sans crainte, s'honoreront jusqu’au tombeau de leurs amis et de leurs ennemis. »

Quelque temps après ce triomphe oratoire, Mirabeau, ayant été accusé d’avoir, dans l'intérêt de sa popularité, fal-