Mirabeau

RME

contradictoires, par exemple un baton qui n’eût qu'un bout; il demanda si un miracle n’était pas un bâton qui n’a qu'un bout. Cet:e question scandalisa beaucoup sa grand-mère, mais elle dénotait une bien étonnante précocité d'esprit.

Il ne montrait pas seulement un esprit étonnant, mais aussi une générosité d'âme qui n’étonnait pas moins son père : « L'autre jour, raconte celui-ci, dans des prix qu'on gagne chez moi à la course, il gagne le prix qui était un chapeau, se retourne vers un adolescent qui avait un bonnet, et lui mettant sur la tête le sien, qui était encore fort bon : «Tenez, dit-il, je n’ai pas deux têtes. Ce jeune homme (il avait douze ans) me parut alors l’empereur du monde ; je ne sais quoi de divin transpira rapidement dans son attitude; j’en pleurai et la lecon me parut fort bonne.»

Malheureusement le père de Mirabeau n’en profita pas pour l'éducation de son fils. Au lieu de s'appliquer à développer en lui les bonnes qualités que montrait cet enfant, il semblaït prendre plaisir à les refouler par la sévérité avec laquelle il le traitait. Mécontent des deux précepteurs qu'il lui avait successivement donnés, dont le premier l’avait, suivant lui, manqué, et le second achevé, parce qu'ils ne le jugeaient pas comme lui : une chenille rabotteuse et crottée, qui ne se déchenillera jamais (ce sont les termes dans lesquels il parle de cet enfant de douze ans), il l’envoie à Paris dans une pension militaire, une espèce de maison de correction, tenue par l'abbé Choquart, en ayant bien soin de recommander au maître, homme raide et dur, de ne point épargner son fils, et en ne permettant même pas à celui-ci de porter son nom (il le fit appeler Pierre Buffière), parce qu'il trouvait que ce nom serait terni sur les bancs d’une école de ce genre.

L'abbé Choquart sut pourtant décrotter cettle chenille indécrottable au jugement de son père. Il ramena le pau-