Musique exécutée aux fêtes nationales de la Révolution française : chant, choeurs et orchestre

TRANSLATION DES CENDRES DE VOLTAIRE

Ha

les mêmes instruments furent employés, ainsi que l’a constaté Chénier dans ces vers que nous avons déjà reproduits en 1886 :

Quelquefois de la mort il embellit les fêtes.

Harmonicux Gossee, lorsque ta lyre en deuil,

De l’auteur de Mérope, escortait le cercueil

On entendait au loin, dans les lénèbres,

Les accords prolongés des trombones funèbres,

La cymbale voilée aux sombres roulemens

Et du limbre chinois1 les tristes hurlemens.

De son côté Sarrette, commandant et organisateur de la musique de la garde nationale, « au zèle æt à l'intelligence duquel la pompe de Voltaire à dû une grande partie de son intérêt » selon l'expression l'un écrivain du temps, apporta un nouvel élément à l'ensemble orchestral, avec les instruments copiés sur la colonne Trajane. Nous avons déjà dit (Les facteurs d'instruments de musique, p. 392), quel effet ils produisaient : les uns, nommés {uba curva rendaient le son de six serpents; les autres, appelés buccins, avaient celui de quatre demi-cors. IIS étaient joués par deux groupes de musiciens vêtus à la romaine, placés en avant et en arrière du char funèbre. Ces instruments ne sont plus usités depuis longtemps, et ils sont devenus si rares que lon n’en signale point dans les musées; nous en connaissons un cependant, dont on trouvera le dessin dans notre ouvrage actuellement sous presse : Les transformations de la musique militaire.

Par ces détails, dont beaucoup sont ignorés, on peut juger de l'importance que la musique avait déjà prise, depuis 1789.

Occupons-nous maintenant des œuvres exécutées.

A notre connaissance, il existe trois versions différentes de l’hymne à Voltaire composé par Gossec sur la poésie de Chénier. Comment cela s'est-il produit? Nous ne saurions le dire d’une façon précise; nous ne pouvons que nous en tenir aux présomptions. Il peut sembler extraordinaire que le même musicien ait fait plusieurs compositions sur lés mêmes vers et pour la même cérémonie. Cependant il n’y à rien d’impossible à ce que le compositeur ait voulu éviter la répétition du même morceau à chacune des trois stations. La raison est subtile et nous ne garantirions pas que ce soit la vraie, mais elle n’a rien d’inyraisemblable. Pourtant, s'il fallait prendre parti, nous n'hésiterions pas à désigner la s version [ (p. 5), comme étant celle qui a été exécutée. Notre opinion s'appuie sur l'existence d’une per . soixantaine de parties manuscrites de clarinettes, cors et bassons, ayant certainement servi à l'exécution, et sur ce fait, que la mélodie jonée par la première clarinette, est identique à la partie de chant (aves la basse chiffrée seule) contenue dans la douzième livraison du Magasin de musique à l'usage des fêtes nationales, publiée en floréal an HI (avril-mai 1795), par les musiciens de la garde nationale eux-mêmes, sous la direction de Sarrette et de Gossec, évidemment bien renseignés.

Cet hymne d’une belle expression et d'un joli sentiment musical, dénote une plume exercée; mais Er: la mélodie est par trop courte, le compositeur ne l'ayant faite que sur une seule strophe de quatre vers.

Peut-être est-ce le motif qui a donné naissance aux autres versions ?

La deuxième (p. 7), à 3 voix d'hommes, diffère essentiellement de la précédente, sauf sous le = rapport de la tonalité. La mélodie est construite sur deux strophes, mais elle est d'une inspiration moins expressive que la première. Nous ne savons si ce chœur comportait un accompagnement instrumental. Nous l'avons extrait d’une feuille périodique, qui, au lendemain de la cérémonie, l’a publié tel que nous le reproduisons, soit que son format n'ait pas permis de le donner intégralement, soit que aient d’un médiocre intérêt pour les lecteurs. Cependant

l’on ait pensé que les parties d'instruments nous ne serions pas surpris que ce chœur ait été écrit pour voix seules; nous en prendrons pour preuve

la troisième version (p. 8), — tirée d'un recueil gravé excessivement rare aujourd'hui, dont la : publication, restée inachevée, fut ordonnée par le gouvernement en l'an VII, — également écrite à

E trois voix sans accompagnement, alors que presque tous les autres morceaux de ce recueil ont le leur. Ce chœur se distingue du précédent {par sa facture plus musicale, qui lui mérite la préférence. Signalons seulement qu'il est un ton plus haut et que le premier vers n'étant pas semblable à celui des autres versions, il en est résulté une autre prosodie dans la phrase musicale: Suivant l'usage ancien, ces deux chœurs ont été composés pour voix de haute-contre (notée en clé d'ut 3 ligne), de taille (clé dut 4° ligne) ct de basse-taille. Nous avons transcrit la première en clé de sol à l'octave haute, selon l'usage moderne, et la seconde, tantôt en clé de sol, tantôt

à en clé de fa. Dans les réductions, la haute-contre ou ténor est quelquefois transcrite à son diapason L réel, comme à la deuxième version. Nous le faisons observer ici une fois pour toutes. Û

1 Tam-tame