Musique exécutée aux fêtes nationales de la Révolution française : chant, choeurs et orchestre
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TRANSLATION DES CENDRES DE VOLTAIRE
AU PANTHÉON
11 Juillet 1791
Lorsque Voltaire mourut, le 30 mai 1778, pendant un court séjour qu'il faisait dans la capitale dont il s'était exilé depuis vingt ans, son neveu, l'abbé Mignot, fit transporter secrètement sa dépouille mortelle à son abbaye de Sellières, la sépulture lui ayant été refusée à cause de ses écrits. Après les événements de 1789, on annonça la mise en- vente de cette propriété, et le maire de Romilly en avisa M. Charon, officier du corps municipal de Paris, lequel provoqua un mouvement d’opmion qui aboutit au décret de l'Assemblée nationale en date du 30 mai 1791, portant que Voltaire était digne de recevoir les honneurs décernés aux grands hommes et que ses cendres seraient transférées au Panthéon.
Cette cérémonie, primitivement fixée au 4 juillet, dut être retardée de quelques jours vu la longueur des préparatifs. Elle eut lieu en grande pompe avec le concours de nombreuses députations des sociétés patriotiques et des grands corps de l'État, en présence d’une énorme affluence de citoyens accourus de tous les points de la France. Les autorités, représentées par le syndic du département et les délégués du corps municipal se rendirent, le ro juillet, le premier, aux limites du département, les autres, à la barrière de Charenton, pour recevoir le corps du grand philosophe et le conduire sur les ruines de la Bastille, d'où le départ du cortège devait avoir lieu le lendemain, à 8 heures du matin. Le mauvais temps empêcha de se mettre en route à l'heure dite et fit craindre un instant qu'on ne remît la solennité, mais une éclaircie s'étant produite, on partit à 2 heures de l'après-midi. Dans le cortège étaient disséminés plusieurs corps de musique et de tambours; immédiatement avant le char, traîné par
douze chevaux blancs, était un groupe de musiciens — formé en grande partie des artistes de la musique de la garde nationale — spécialement chargé de l'exécution des hymnes aux stations qui
furent faites : 19 devant le théâtre de l'Opéra, alors situé boulevard Saint-Martin; 29 devant la maison où mourut Voltaire, sur le quai de ce nom, et 3° au Théâtre de la Nation (Odéon).
L'un de ces hymnes avait été fait pour la circonstance par M. J. Chénier; l’autre était extrait de l’opéra Samson, écrit par Voltaire en 173r. Gossec, directeur de la musique de la garde nationale, les mit tous les deux en musique. Des marches funèbres et religieuses furent exécutées sur le parcours. L'une d'elles, également due à la plume féconde de Gossee, fit une profonde impression sur la foule, bien qu'elle eût été déjà entendue, quelques mois avant, à la fête funèbre en l'honneur des victimes de Nancy (20 sept. 1790) et aux obsèques de Mirabeau (4 avril 1791). Le compositeur avait eu non-seulement l’idée d'introduire dans son orchestre un nouvel élément — le tam-tam — mais encore de suspendre sa mélodie pendant quelques mesures, ce qui produisait un effet irrésistible. Citons 4 ce propos deux témoignages auxquels nul n’a encore eu recours ; le premier est dû à un chroniqueur anonyme qui, au lendemain de la fête funèbre prétitée, écrivait :
« Cependant le bruit aigu du tam-lam (instrument arabe) mêlé à celui des cymbales et des cuivres et interrompu par des intervalles de silence, donnait à l’âme des sensations les plus tristes et inspirait le recueillement. »
Le second, emprunté à Mme de Genlis, est encore plus probant; il se rapporte aux obsèques de Mirabeau :
«.. Cependant, dans le genre religieux, le plus beau de tous, des silences composés d’une ou deux mesures, produisent un effet prodigieux; ceux qui ont entendu la musique funèbre exécutée au convoi de Mirabeau
peuvent en juger. Getle musique était admirable, les silences faisaient frémir, c'était véritablement le silence terrible de la tombe. » F
On pense bien que les assistants ne furent pas moins sensibles, lors de la translation de Voltaire, où