Musique exécutée aux fêtes nationales de la Révolution française : chant, choeurs et orchestre
INTRODUCTION
La musique à tenu une grande place dans la Révolution.
Son action sur les masses fut puissante; il suffit, pour le prouver, de rappeler les enthousiasmes héroïques soulevés par la Marseillaise et le Chant du Départ.
Pour la musique, d'ailleurs, comme pour les arts et métiers et l'industrie, de cette époque date une ère nouvelle. Depuis quelques années, l'art divin d’Apollon subissait une crise latente; la Révolution lui fournit un magnifique élan avec les fêtes qu'elle institua pour la glorilication des vertus civiques et des actions valeureuses, comme pour la commémoration des événements qui marquèrent son évolution. Dans limitation que l'on chercha des cérémonies antiques, dans les efforts que l’on fit pour renouveler les fêtes grandioses de Rome et de la Grèce, les artistes trouvèrent l'occasion d'exercer leur activité et leur imagination. Il en résulta une impulsion éminemment favorable à l'art, sous le rapport de la composition, de l'exécution et de l'enseignement.
Jamais on n'avait encore réuni des groupes de chanteurs et d’instrumentistes aussi nombreux que dans les solennités du Champ de Mars. En dehors de l'Opéra, il n’y avait eu jusqu'alors aucune grande exécution. La musique militaire n'existait pour ainsi dire pas. Elle ne comptait qu'un très petit nombre d’exéeutants: les instruments étaient peu variés et le répertoire se réduisait à quelques marches fort courtes el à quelques petits airs d’opéra-comique. Il fallut pour la régénérer et la faire prospérer, que des maîtres comme Gossec, Méhul, Cherubini, Catel, eic., écrivissent les morceaux nécessaires à la célébration des fêtes publiques, comportant une masse imposante d'instrumentistes et une plus grande variété d'instruments. Son rôle prit alors plus d'importance, car non-seulement elle eut à jouer seule des morceaux de longue haleine, mais elle eut la mission toute nouvelle, de soutenir et d'accompagner les chants.
Si les fêtes nationales ont été le point de départ du mouvement prodigieux qui se produisit et amena bientôt la France au premier rang des nations musicales, les fondateurs du Conservatoire ont puissamment contribué à son développement. C’est gràce à leur initiative et à leur dévouement, que Fon put réunir et instruire de nombreuses forces arüstiques, accroître les ressources d'exécution, étendre laction de la musique et faire reconnaitre officiellement son utilité ainsi que la nécessité de l'encourager.
Cependant, combien n’a-t-il pas fallu d'efforts, de persévérance, pour y arriver!
Après plus de douze années de recherches constantes, nous avons pu reconstituer presque jour par jour cette histoire des plus instructives et des plus captivantes, à l’aide de documents qui n’ont pas encore été utilisés ! et déjà, nous en avons relaté divers épisodes dans plusieurs écrits parus ou à paraitre?
Comme complément de ce travail, nous avons eru qu'il ne serait pas sans intérêt de recueillir les œuvres composées et exécutées à cette époque par Îles professeurs du Conservatoire. Le 15 janvier 1888, l'A7t musical donnait le titre de plusieurs morceaux retrouvés par nous, et dès l’année suivante, notre moisson était assez abondante pour nous permettre de songer à la publication de cette musique, suivant la proposition que nous en avons faite l'an dernier au Conseil municipal.
La tâche n'a pas toujours été aisée; beaucoup de morceaux ayant été en partie détruits ou dispersés, d’autres étant restés à l'état manuscrit. En outre, les exemplaires imprimés sont devenus tellement rares que ni la Bibliothèque nationale, ni celle de la ville de Paris, pas plus que les collections du Conservatoire et de l'Opéra, n'en possèdent une série absolument complète. D'ailleurs, ces exemplaires offrent des lacunes et ne nous présentent pas l’œuvre intégrale du compositeur. Pour des considérations diverses, on ne publiait
1 Citons entre autres ceux relatifs à l’origine du Chant du Départ, dont la Presse à annoncé la découverte l'an dernier (Le Monde musical, du 30 septembre 1892, l/ntermédiaire des Chercheurs xxvr, 514, 669, etc.)
? Le Conservatoire de musique, événements qui ont précédé sa création (La Musique des familles, n° du 16 juillet 1885 et suivants). — Le Conservatoire et les Fêtes nationales. — Le Magasin de musique à-l'usage des fêtes nationales. — La Vérité sur l'arrestation de Sarrette en l'an r. — La Musique de la garde nationale parisienne.