Napoléon Ier et le Roi Louis : d'après les documents conservés aux archives nationales
DE LA BATAILLE D'IÉNA AU TRAITÉ DE TILSITT. XLV
d'estime. Quand on dit d’un roi que c’est un bon homme, c’est un règne manqué. » Le blâmant de ses actes les mieux inspirés, il disait que rien n’était plus mauvais que cette quête faite par son ordre en faveur des habitants de Leyde; qu'un roi ordonnait, sans demander rien à personne; qu'il était supposé être la source de toute puissance et avoir des moyens pour ne pas recourir à la bourse des autres. Il revenait avec vivacité sur la création de l’ordre de l’Union et sur l'institution des maréchaux, et lui demandait, à propos du rétablissement de la noblesse, s’il avait perdu la tête. « Ce ne sont pas des maréchaux, des chevaliers et des comtes qu'il faut faire, ce sont des soldats. Si vous continuez ainsi, vous me rendrez ridicule en Hollande. » Il savait que son frère, souverain d’une nation protestante, se croyait obligé, en dépit de ses croyances particulières, de n’accorder aux catholiques qu’une protection mesurée, et cela même, au lieu de lui en faire un mérite, il le lui reprochait comme un manque de force et de caractère (1). « Quant à vos décorations que vous offrez à tout le monde, reprenait-il, mon intention est que personne ne les porte chez moi, étant résolu de ne les pas porter moi-même. Que si vous m'en demandez la raison, je vous dirai que vous n’avez encore rien fait pour mériter que les hommes portent votre portrait. » Enfin, comme s’il eût eu le droit de lui demander compte des sentiments les plus intimes de son âme, il le tançait de sa froideur pour l’épouse qu’il lui avait imposée, lui disait que ses querelles avec la reine perçaient dans le publie, et ajoutait,
(1) Lorsque Napoléon visita, au mois de mai 1810, les provinces de la Zélande et du Brabant qu'il venait de détacher de la Hollande par le traité du 16 mars dont nous parlerons plus loin, il oublia les recommandations qu'en 1807 il faisait à son frère de favoriser le catholicisme néerlandais. Il terrifia le clergé catholique de ces provinces par un des plus violents discours qu’il ait jamais prononcés contre l'Église. Voy. ce discours dans le t. XX de la Corresp. de Nap. I”, n° 16475.