Orateurs et tribuns 1789-1794

2 ORATEURS ET TRIBUNS.

comité, prononçant ses discours devant le baron de Batz, se laissant interrompre exprès, recommençant au besoin une seconde fois, jusqu'à ce qu'il se sentit maitre de son sujet. Il plastronnait en quelque sorte avant l'assaut véritable : vers la fin, il était parvenu à dessiner et composer ses discours tout seul. Et, tandis que les orateurs de son parti,habitués à ces conversations de salon, chuchotées plutôt que parlées, pleines de sous-entendus gracieux, de nuances discrètes, d’épigrammes à peine soulignées, demeuraient décontenancés en présence d’une assemblée houleuse où la force des poumons doublait la force des arguments, Cazalès, formé à l'école plus rude du régiment, moins initié au cérémonial de la société ‘, mais doué du sens des foules, si rare parmi les membres de son ordre, conquérait bientôt, par son éloquence noble et grave, une réputation et une estime qu'augmentèrent encore l'indépendance de son caractère, la générosité de son âme, sa franchise chevaleresque. « La nature, écrivait Montlosier, a fait pour Cazalès ce que l’art a fait pour beaucoup d’autres. J'ai connu un grand nombre d’of-

1. «Je ne me souviens pas de lui avoir vu un habit passable, Pour ce qui est de son chapeau, je ne sais si on peut appeler de ce nom un mauvais feutre percé de toutes parts. Il avait soin de relever de temps en temps une culotte qui, à chaque moment, lui tombait sur les genoux. Dans cet accoutrement ei malgré une grosse figure assez laide, le feu de ses yeux et ce qu'il y avait de noble dans son attitude commandaient le respect. » {(Montlosier.)