Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA MONTAGNE. 283

des sophismes impudents, des calomnies qui lui assurent une place hors de pair parmi les praticiens du mensonge gascon (Mendacium vasconicum, dit Macaulay dans sa foudroyante étude), et une bassesse d’âme qui le porte à ne jamais pouvoir se passer d'un maître, enfin une telle collection d’infamies qu’il semble avoir reculé les limites de la lâcheté humaine. Né faible, poltron, esclave, tout de reflet et de réverbère, Bertrand Barère de Vieuzac tomba entre les mains des pires et fit l'office des pires, avec cette circonstance aggravante qu'il a conscience de son ignominie, qu'il ne se repent point, et le plus gaillardement du monde, dépouille, proscrit, envoie à la guillotine ses amis d'hier, pourvu qu’il se maintienne en croupe de ceux qui sont le mieux montés. On pourrait appliquer à sa conduite politique le mot de Cyrano à une femme : « Vous êtes issue d’une race dont les sept péchés mortels ont composé l’histoire. »

Ce triste personnage eut cependant quelques idées assez arrêtées : sa haine de l’Angleterre qui atteint son paroxysme lorsqu'il propose et obtient un décret ordonnant qu’on ne fit quartier à aucun soldat anglais ou hanovrien (il n’y a que les morts qui ne reviennent pas); son antipathie contre Paris, qui n’est et ne sera jamais que la grande auberge de l'Europe (on n’a de patrie qu'en province); son penchant pour le fédéralisme « il faut fédéraliser la France; vous n’aurez pas sans cela de véritable liberté ».