Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA MONTAGNE. 285

York». Le 9 thermidor, Tallien mène l’attaque, et après la réponse de Robespierre, quand la voix du tyran étouffée par la sonnette du président et par les cris de fureur de ses adversaires, se perd en un râlement inarticulé, quand la Convention encore hésitante appelle Barère à la tribune, pour connaître l'opinion de ce flaireur de vent, de cette boussole si bien aimantée vers le succès, Barère commence timidement, épiant l'effet de chacune de ses paroles, défend le Comité, attaque assez mollement Robespierre qu'il n’ose pas encore nommer. Mais lorsque la populace et les artilleurs eurent épousé la cause de l’Assemblée, alors seule ment ce rhéteur, qui dit-on, avait toujours deux discours tout prêts, un pour, un contre la motion projetée, Barère Gorgias, bien rassuré, s’élance à la tribune, profère une carmargnole sur Pisistrate et Catilina, termine en demandant qu'on coupe la tête de Robespierre, de ses complices, sans jugement.

Lacretelle, qui connut Barère chez Target, le juge en ces fermes :

« Il m'a dégoûté pour jamais des Grandissons, parce qu'il affectait dans sa jeunesse de prendre pour modèle ce type des froides perfections. IL est vrai qu’il arrangeait ce rôle à la moderne et le saupoudrait à l'excès de sentiment et de philanthropie. C'était l’adorateur fervent de toutes les renommées et de toutes les opinions du jour. Il faisait avec dévotion des pèlerinages au tombeau de Jean-Jacques Rousseau dans l’île des