Orateurs et tribuns 1789-1794
L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA CONSTITUANTE. 91
ce qui a l'air d’une discussion me rappelle au silence. » Rien de plus plaisant que de l'entendre se targuer quand il voudra parler, de faire taire la calomnie avec plus d'empire que personne. Comme écrivain, sa dialectique est assez déliée, son style incorrect, gâté par le néologisme et déclamatoire, mais d’une inspiration élevée. La fière et imposante destinée que le Ciel m'a départie; toules les vérités se pressent dans mon sein; — je porterai l’éloquence humaine jusqu'où elle peut aller : voilà de ces bouffées d'amour-propre qui obscurcissent les vertus de Bergasse, la noblesse de son caractère, son ardent amour de la vérité. Il s’imagine que l'Europe tourne autour de lui, qu'il remplit un sacerdoce et fait œuvre de justicier en couvrant d’injures violentes ses adversaires ; le président de Saint-Fargeau prononce-t-il le jugement du parlement dans laffaire Kornmann, il s'écrie que cet arrêt blesse le ciel et déshonore la terre. Après avoir combattu avec courage les excès révolutionnairest, après avoir accusé, bien qu'il fût lui-même captif à la Conciergerie et en présence de la mort, le terroriste Vadier, Bergasse vécut dans la retraite sous l'Empire, et devint en quelque sorte l'avocat consultant de la Restauration. L'empereur Alexandre qui le vit en 1814 chez madame de Krudener, l'avait en haute estime,
1. Bergasse dit à Montlosier, lorsqu'il vint siéger à la Constituante, en septembre : « Monsieur, vous êtes peut-être venu ici chercher la liberté, vous trouverez des tyrans; ils sont là. »