Paul et Bonaparte : étude historique d'après des documents inédits

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PAUL ET BONAPARTE

ÉTUDE HISTORIQUE, D'APRÈS DES DOCUMENTS INÉDITS

A la mémoire de Michel Katkow.

I

Il y a plus de trente ans, peu de jours après la clôture du congrès de Paris, un jeune diplomate, encore novice dans la carrière, escomptait dans un rapport confidentiel à son chef les chances d’une alliance franco-russe qu'il tenait pour imminente. Il trouvait une « union intime » entre les deux pays « beaucoup trop naturelle pour que l’on ne s’y attendit pas ». De toutes les grandes puissances, disait-il, la Russie et la France sont les seules qui, de par leur situation géographique, n’ont aueun motif de rivalité, leurs intérêts ne se trouvent en collision nécessaire nulle part. Des causes purement accidentelles les avaient seules tenues jusque-là éloignées l’une de l’autre : la sainte-alliance et l’aversion de l’empereur Nicolas pour Les d'Orléans. Elles se sont fait la guerre, mais sans haine, sachant parfaitement que cette guerre, dans la pensée de ses auteurs, répondait bien plus aux besoins intérieurs qu'extérieurs de la France. « Les d'Orléans écartés, l’empereur Nicolas mort et la sainte-alliance rompue, je ne vois, concluait-il, rien qui puisse ralentir l'attraction naturelle des deux États, et les politesses qu’ils sont en train d'échanger me paraissent plutôt une preuve des sympathies existantes qu’un moyen d'en faire naître (1). »

Celui qui raisonnait ainsi,en l'an de grâce 1856,n'était ni Français ni Russe. C'était un Allemand, et, qui plus est, un Prussien ; pour tout dire, c'était M. de Bismarck en personne, plénipoten-

(4) M. de Bismarck au baron de Manteufel, le 26 avril 1854 (PoscmnGer : /&

Prusse à la Diète fédérale, I, p. 369).