Portalis : sa vie, et ses oeuvres
216 PORTALIS
science juridique des principaux rédacteurs refusait de s’incliner devant la raison d'État invoquée par leur puissant contradicteur. Le Premier Consul se rendait souvent aux arguments que les connaissances spéciales
de ses conseillers leur permettaient de faire valoir;
quelquefois même, lorsqu'il maintenaït son opinion, il arrivait que le Conseil lui donnait tort.
Tronchet et Portalis étaient, du reste, à peu près les
seuls jurisconsultes assez écoutés du Conseil d’État pour le tenir en suspens entre leur opinion et ascendant du Premier Consul. Ils dominaient les délibérations, l’un par l’étendue de sa science et la fermeté de son esprit, l’autre par l'élévation de ses idées, le charme de sa parole et la sympathique aménité de son caractère. Sa physionomie fine et agréable,ses traits empreints d’une indulgente bonté, son regard à demi voilé, mais encore pénétrant et doux, avaient conquis les cœurs avant qu’il prit la parole ; etlorsque, rompant le silence, il faisait entendre au Conseil un discours parfois un peu long, mais plein de science, où les arguments, liés l’un à l’autre par une logique rigoureuse, étaient revétus de toutes les séductions du style, la conviction pénétrait sans efforts dans les esprits les plus prévenus, et la cause de Portalis était presque inévitablement gagnée !. Napoléon, qui l’avait souvent pour contradic-
3
«€
1. « Cette physionomie douce et calme, à l'œil demi-voilé, au regard qui va s’éteindre, c’est Portalis; ilstipulerait pour le droit romain, si un autre intérêt que celui de l'alliance, dont il est l'espoir, pouvait le préoccuper. De ses illustres collaborateurs, aucun n’a autant que lui la conscience de sa mission et l’intelligence de son œuvre; ils sont habiles ouvriers, il est architecte.