Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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Ainsi il y avait des êtres qui pouvaient être offensés de l’humanité de Robespierre. Une attaque ainsi dirigée confondait les députés que le 31 mai avait faits esclaves ; et , dans leur indignation contre les adversaires du tyran, ils allaient encore favoriser le tyran lui-même ; Si ceux qui

* avaient juré de venger Danton n’eussent parlé. Fréron fit en. tendre le premier signal de liberté qui eût retenti dans cette enceinte. Il demanda que la convention retirât aux comités de salut public et de sûreté générale le droit de faire arrêler ses membres. Billaud frémit et jugea bien que sa perte était résolue par ceux qu’il avait déchaînés contre son rival. Il fit rejeter cette proposition, qu’il traita de séditieuse ; mais elle avait présenté aux députés girondins un espoir inattendu. Les élémens d’une nouvelle majorité se forment à Vinstant, On est déjà résolu à faire triompher Billaud et les comités plus qu’ils ne le veulent. Le décret qui accorde l'impression du discours de Robespierre est rapporté. On pouvait aller plus loin; car il n’en coûte pas plus de frapper que d’outrager un tyran ; mais les comités étaient aussi inquiets que Robespierre lui-même , et la séance fut levée,

Robespierre va porter son abaitement aux Jacobins. Tous les hommes de sang reconnaissent leur chef et se pressent autour de lui. Robespierre, au milieu de ces acclamations, de ces adorations , montre encore un front triste, un cœur glacé de crainte ; il éteint leur audace à force de leur présenter de noirs présages ; il faut qu’il expire dans sa ram Panie et monotone hypocrisie. Je suis prét, dit le monstre Presque en pleurant, je suis prét à botre La coupe de Socrate. — Robespierre, je la boiraï avec toi, s’écrie un député. — Mille voix ensemble : Les ennemis de Robes=. Pierre, ce sont ceux de la patrie ; qu'il les nomme, ils auront cessé de vivre, Là table des proscriptions est ouverte. Elle se remplit sous les auspices de Dumas, le pré= sident du tribunal révolutionnaire. Mais tant de terreur frappe le chef, tant de confiance aveugle ses partisans , qu’on dirait qu’il s’agit de ces victimes désarmées, et mille fois trop résignées, qu’on mène chaque jour, au nombre de soixante ou de quatre-vingts, à la mort. La nuit, si fayvorable aux crimes, ils la consument toute entière à les mé diter sans en exécuter aucun. Ù

Les comités ont veillé aussi. Ils n’ont point agi; ils n’ont rien résolu ; ils ne savent lequel de ces deux maux ils pote ne plus proscrire, ou être proscrits par Ro-

espierre.

Il n'en était pas ainsi des députés que la tyrannie avait indignés. Conjurés, ils ne négligeaient aucun de ceux qui