Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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à la tribune , et montra à ses collégues un avenir de vengeance. Il fit une proposition qui fut sur le point d’être décrétée : c'était qu’on imprimerait les listes des détenus mis en liberté, avec les motifs qui l'avaient fait prononcer. Tallien eut un trait de présence d’esprit qui sauva la convention du nouvel opprobre dont elle allait se souiller : Je demande, dit-il, qu'on fasse imprimer la liste de tous ceux qui ont fait arrêter les détenus. Une telle proposition. fut traitée de séditieuse et d’incendiaire. Je consens , reprit Tallien, que vous la nommiez ainsi; mais quel nom faut-il donner à la vôtré? Eloignez-les toutes les deux. Son avis prévalut; mais l'alarme restait au fond des cœurs. Les prisons se refermèrent. Ceux qui en étaient sortis cru rent n'avoir obtenu que quelques jours de bonheur qu’ils expieraient cruellement.

Pour un parti qui essaie ses forces et qui craint encore de les connaître , il n’est pas de plus grand fléau qu'un indiscret. Lecointre de Versailles lut à la tribune une longue dénonciation contre Billaud-Varennes , Collot-d’'Herbois et Barrère membres du comité de salut public, et contre Vadier, Amar, Vouland et David, membres du comité de sûreté générale. Il ne s'était point concerté avec les thermidoriens , et ceux-ci ne jugèrent pas à propos de soutenir une attaque dont le succès n’était point préparé. Lecointre fut repoussé avec ignominie. Un décret le déelara frappé de vertige. Il en rejaillit beaucoup de confusion sur les ennemis les plus déclarés des anciens comités. Billaud, Collot-d'Herbois, Barrère, se flattèrent de reprendre bientôt leur empire sur une assemblée qui regardait comme une preuve de démence un doute élevé sur leurs vertus et leurs services. +

L'influence du 9 thermidor était déjà affaiblie. Un accident affreux parut favoriser les combinaisons d'hommes toujours habiles à faire succéder des massacres à des désastres. Le feu prit à une poudrière établie à Grenelle, près de Paris. L'explosion fut telle, que toutes les maisons de la ville furent ébranlées. Une multitude d’ouvriers périrent, ou furent tués par les éclats et les décombres. La consternation et l'horreur se répandirent parmi tous les citoyens; mais sur-tout un morne effroi parmi les détenus, qui crurent voir réaliser le projet de Collot-d'Herbois , de faire sauter les prisons par l'éclat d’une mine. On courait éperdu; des jacobins criaient : Aux armes ! à la vengeance À frappons les royalistes avant qu'ils nous aient tous égorgés. Mais le peuple concevait plutôt des soupcons sur les aceusateurs eux-mêmes, Il s’informait des causes et des eflets