Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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jamais été célébrés avec une pompe plus imposante que par cet auguste vieillard. Son administration intérieure avait eu peu de vigueur et de suite ; il s'était perdu dans des réglemens minutieux et contradictoires, q@i ne soulageaient point la misère des campagnes romaines. Une entreprise digne d’un gouvernement paternel , le desséchement des marais Pontins , n’avait point répondu à ses espérances : quelquefois ses sujets avaient murmuré de ces dépenses infructueuses. Ils lui faisaient encore un reproche dont peu de ses prédécesseurs avaient été exempts ; c'était d’avoir fait trop de sacrifices à l'illustration et à l'opulence de sa famille. Le chef de l’église avait vu avec indignation les entreprises de l'assemblée constituante de la France. Depuis long-temps les foudres de Rome n’avaient eu autant d’effet que celles qu'il avait lancées contre la constitution civile du clergé. L'autorité du saint-siége eût repris une partie de sa force antique , si la ligue des rois eût été victorieuse. Pie VI entra comme souverain dans cette ligue. Il avait, en cette qualité, à venger la perte d’Avignonet du comtat Vénaissin. Dans nulle cité les Français n'étaient plus haïs que dans Rome. Un d'eux nommé Basseville, revêtu du titre d’envoyé, y avait été indignement assassiné dans une émeute que le gouvernement avait laissé se former avec une négligence suspecte : en France , on avait juré depuis long-temps de venger la mort de Basseville.

Les victoires de Bonaparte semblaient le condamner à aller opérer la destruction du saint-siége. Les fureurs irréligieuses n'étaient plus , il est vrai, ce qu’elles avaient été sous la convention ; mais l'enthousiasme républicain semblait avoir besoin de venir s’alimenter sur les bords du Tibre. On ne parlait que de rebâtir le Capitole, de fonder une nouvelle république romaine: il n’était aucun des directeurs qui n’eût attaché le plus grand prix à cette révolution. Laréveillère-Lepaux était celui de tous qui la désirait davantage : sa passion était excitée par les intérêts du culte théophilantropique, qu'il espérait établir avec solidité sur les ruines de l’église romaine. Pour tout général français à qui la gloire n’eût pas donné un sentiment d'indépendance, marcher sur Rome eût paru un devoir, une nécessité impérieuse ; Bonaparte se contenta d’en faire la menace. Il connaissait le danger d’enfoncer son armée dans ce long et étroit espace de l'Italie qui.est enfermé entre les deux golfes. L'armée autrichienne Féccupait plus qu’une armée sur laquelle iln’y avaitpas de victoires glorieuses à remporter. Ilosa accorder une trève , et puis la paix au chef de l’église romaine; il osa parler de lui avec une vénération profonde;