Relation des faits accomplis par les révolutionnaires genevois de 1794 à 1796 : extraite d'ouvrages contemporains, et suivie de documents inédits

Alors, ivres d’une joie infernale, ils sautent et dansent autour des corps dont les plaies ruisselaient le sang. De ce repaire d’assassins, les mots de Vive la liberté, l'égalité et la République! s'élèvent dans les airs.

C'était environ minuit, lorsqu'un major de la garnison fit mettre dans un tombereau ces dépouilles terrestres qui avaient logé de si belles âmes, pour les conduire au cimetière, où elles furent enfermées dans une seule fosse. On étendit leurs habillements dans un galetas de l'hôpital, de manière que ceux qui furent depuis condamnés par le tribunal à la maison de force ne pouvaient lever les yeux sans les porter sur ces iristes objets.

Dès le commencement de cette scène sanglante, plusieurs révolutionnaires profitèrent de l'obscurité pour se retirer à l'écart. Enveloppés de cette nuit noire, lente et profonde, ils donnèrent un libre cours à leur extrême affliction. Les uns sanglottaient, les autres gémissaient en se roulant dans la poussière. Mais, au bruit des instruments de mort, toute la ville fut comme inondée d'un déluge de tristesse. Les parents et les amis, que l'espérance avaient soutenus, tombèrent dans le plus affreux désespoir. Cette commotion fut généralement si forte que des personnes en moururent, et que d’autres, qui lui résistèrent, en ont conservé un état de langueur qui les conduit au tombeau. On entendait de toutes parts, dans les rues, ces paroles déchirantes que des torrents de larmes accompagnaient : Dieu de miséricorde, à quelles épreuves tu nous réservais! Hélas! nous avons trop vécu ! O combien sont heureux les morts!

Genevois! ce ne serait pas assez pour l'honneur de