Rouget de Lisle : sa vie, ses œuvres, la Marseillaise
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Je déchirai ces malheureux essais à mesure qu'ils étaient ébauchés, et fatigué de mes infructueuses recherches, je m'efforçai d'oublier le songe et l’héroïne, tout en murmurant sans cesse l’air de Rosa, tout en jetant un œil de dépit sur la copie que j'en avais faite, lorsque le hasard me la mettait sous la main.
€ Trois semaines s’écoulèrent. Moins que jamais j’espérais parvenir à quelque résultat satisfaisant et même je n’y attachais plus que l'intérêt d’une curiosité vivement stimulée par ce fait singulier d’un résultat positif et matériel, produit par une chimère. Cette indifférence ne fut pas de longue durée. Je fis nne seconde fois le même songe, et les mêmes circonstances l’accompagnèrent, Une seconde fois Rosa me prescrivit la loi du souvenir ; loi que la répétition de sa romance devait me rendre plus facile ; et toutes mes facultés étaient en jeu pour mettre à profit ce moyen de m'y conformer. Combien ne fus-je pas désappointé ! Rosa chanta, mais en italien. Quoique cet idiome ne me soit pas étranger, il ne m'est pas non plus assez familier pour que Je ne fusse point déconcerlé par ce changement imprévu, et qu'il n’exerçàt pas une influence fächeuse sur l'attention qui m'était nécessaire : aussi fous mes soins, toute mon application furent-ils en pure perte. Vainement chaque mot de la traduction m’avait-il rappelé le mot français correspondant; vainement avais-je conservé des notions sur le fond, le coloris de la romance, sur le nombre des couplets et quelques autres particularités. Cette seconde séance ne laissa dans ma mémoire aucune trace, relativement aux paroles proprement dites, et mon embarras, ma perplexité demeurèrent les mêmes.
(Quelques jours après, au commencement d’une nuit très pluvieuse : — « Si Rosa, me disais-je à moi-même, € si Rosa désire une troisième visite, espérons que ce ne