Séance de rentrée des cours de la Faculté de théologie protestante de Paris, le samedi 7 novembre 1903

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Cette confusion, créée par le parti ultramontain entre le christianisme apostolique et catholique et certain système politique, certaines institutions cléricales ou monastiques, est cause du malentendu fatal qui divise la pensée moderne et la religion chrétienne et dont souffrent tant d'âmes généreuses. Notre auteur s'efforçait d’y mettre un terme, en dégageant le vrai Christ de tous les déguisements dont l'avait affublé la tradition : « Vous cherchez le Christ dans le sépulcre du passé, mais le Christ a quitté le sépulcre. Il a marché, il a changé de place, il vit, il s’incarne, il descend dans le monde moderne. Ah! vous qui pensez d'un mot jeter l’interdit sur la France, votre grand malheur c’est de chercher votre Dieu où il n'est plus et, là où il est, vous ne savez ou ne voulez plus le voir (1). »

Qu'est-ce done que le véritable Évangile de Jésus-Christ? Y a-t-il réellement incompatibilité entre le christianisme et les progrès de l'esprit humain, en particulier, entre lui et la Révolution française? C'est à l'examen de ces deux questions que fut consacré son cours de 1845, au Collège de France, sur Le Christianisme el la Révolution. Sur la première, Quinet n'eut pas de peine à montrer que le christianisme de Jésus est radicalement différent, et de celui qui a été élaboré par les Conciles et les docteurs orthodoxes, et du système légendaire de Strauss. Écoutez plutôt comment il décrit l'avènement de Jésus-Christ :

« Pendant que ces idées (les idées de Platon, de Sophocle) travaillent le mondeancien, je vois un Maïtre suivi de douze pêcheurs, dans un des lieux les plus écartés du monde. Il n’enseigne pas au milieu des livres, mais dans un temple, sur les places publiques, à l'entrée des villes, sur le haut des monts, en face de la nature entière, qu'il prend pour témoin. Il appartient au peuple le plus malheureux de la terre, et c’est au nom de cette douleur séculaire qu'il fait une promesse infinie, Son enseignement n'est pas seulement dans ses paroles, il éclate dans la moindre de ses actions. Il apprend non pas un système en particulier, mais la vie elle-même; et non seulement il l'enseigne, il la communique... il montre le Dieu incarné de l'homme. Il révèle ce que personne ne connaissait, la puissance infinie de l’amour. A certains moments, la force morale d’un peuple se recueille dans un homme

(1) Ouvrage cité.