Séance de rentrée des cours de la Faculté de théologie protestante de Paris, le samedi 7 novembre 1903

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qui la personnifie; en cet instant, toute la puissance morale du genre humain s’est rassemblée dans Jésus-Christ. L'esprit rempli de pensées divines, comment ne se serait-il pas senti et proclamé le fils de Dieu (1)?»

Aucune Église, d'après lui, n’a le droit d'accaparer ce Christ, car il habite, non dans le silence des tabernacles, mais dans la conscience de tous ceux qui veulent, comme lui, le règne de la vérité, de la justice et de la charité. Au-dessus de toutes les églises qui défigurent et rapetissent Jésus-Christ, il y a le christianisme supérieur. Et par là, gardez-vous de croire que Quinet entende je ne sais quelle doctrine ésotérique, réservée à une élite de savants et de penseurs. Non, en vrai démocrate, il déclare impie cette maxime « qu'il faut une religion pour le peuple ».

Ce qu’il souhaite pour les uns — les gens cultivés — c’est une philosophie qui soit religieuse et pour les autres, les humbles, une religion éclairée, afin que les uns et les autres puissent s’entendre et communier dans un même sentiment. Ce qu'il veut, c’est une religion assez positive et simple pour être à la portée de tous, assez idéale et large pour répondre aux aspirations des sayants. Ce qu'il appelle de ses vœux ardents, c'est l'avènement d'un Christ aux bras larges, capable de réunir tous les hommes dans la sublimité de sa morale et de les enflammer par le feu sacré de ses espérances; en un mot, un Christ qui mettra fin à celui du Moyen Age, à ce Christ aux bras étroits et vengeurs, au nom duquel Rome décrétait les croïsades contre les infidèles ou envoyait les hérétiques au bûcher. Le jour où l’on aura compris de la sorte le christianisme, ce jour-là on verra que la Révolution française a été, dans son principe, la plus éclatante manifestation de l'esprit évangélique. Par l'abolition du servage, des privilèges seigneuriaux et de tant d'iniquités sociales et ecclésiastiques, elle s’est efforcée d'incarner le Christ dans les lois civiles et de réaliser dans la société un idéal de justice, de paix et de fraternité (2).

Ne croirait-on pas entendre iei comme un écho des Paroles d'un croyant, de Lamennais, ou un prélude de l'Évangile social

(1) Le Christianisme et la Révolution française, p. 55-56. (2) M. Saint-René Taillandier, dans un cours professé à la Sorbonne, à la Faculté des lettres, il y a quinze ans, a repris cette idée de Quinet et l'a développée avec talent.