Séance de rentrée des cours de la Faculté de théologie protestante de Paris, le samedi 7 novembre 1903

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voisine du christianisme, et signalait comme une forme bien appropriée à la conscience religieuse moderne, l’'unitarisme d'un Channing ou d’un Emerson (1).

Dans son livre sur Marnix de Sainte-Aldegonde (1857), il a remis en pleine lumière la figure de ce héros de la guerre d’indépendance des Pays-Bas, qui fut le meilleur conseiller de Guillaume le Taciturne et la victime de l'ingratitude des États généraux. Il y constate que, si la Révolution hollandaise a réussi, c'est parce qu’elle s’est donné pour base une révolution religieuse, et que, profitant de sa victoire, elle a refusé toute capitulation avec le prinçipe adverse. Ici Quinet se montrait inconséquent avec le principe de liberté religieuse, qu'il avait posé dans son cours sur les jésuites.

Il y revint bientôt dans son ouvrage sur la Révolution (1865) et y montra une indépendance de jugement qui fait le plus grand honneur à son caractère. «Je veux bien donner ma vie à la démocratie », a-t-il écrit à propos des critiques que ce livre souleva de la part des républicains « mais n’atlendez pas que Je lui sacrifie la justice et la raison. Attachons-nous aux idées immortelles de la Révolution : justice, pitié, liberté, humanité; ne nous enchaînons pas à l'idolâtrie des individus. » Partant de ce point de vue, il essaya de montrer que la Révolution française avait échoué dans la solution du problème ecclésiastique, parce que ses chefs avaient été induits en erreur par les idées fausses de J.-J: Rousseau.

Voici, d'après Quinet, les deux ou trois erreurs capitales des auteurs de la Constitution civile du clergé, dont n'ont pu se dégager même les Jacobins. La première, tirée de la « Profession du Vicaire Savoyard», est de penser que c’est une présomption inexeusable de professer une autre religion que celle où l’on est né. « Rien de plus faux », fait-il observer avec raison, « que cet idéal d’un curé qui dit la messe sans croire ni à l'Évangile, ni à la papauté, ni même à la divinité de Jésus-Christ (2). » La seconde erreur des hommes de la Révolution fut de croire que lâme humaine n’entre pour rien dans l’action politique,

(1) V. Lettre à Eugène Sue, 5 déc. 1866, Comp. lettre au pasteur Panchaud, 19 mars 1856.

(2) La Révolution I, p. 131,