Séance de rentrée des cours de la Faculté de théologie protestante de Paris, le samedi 7 novembre 1903
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que le même homme peut être poussé religieusement dans un sens ef politiquement dans un autre. De là est venue, d’après lui, la destruction radicale de la conscience religieuse chez nous. Enfin, la troisième, c’est de placer tous les cultes, toutes les conceptions de la vie infinie sur le même plan. À ce compte-là, ni la Hollande, ni l'Angleterre n'auraient accompli la révolution qui les a émancipées. « Le malheur de nos populations romaines, écrivait-il à Mazzini, c’est qu'une fois sorties du catholicisme, elles ne font aucune différence entre lui et les autres sectes chrétiennes, qui se sont émancipées de l'Église. Tout Le christianisme est jugé chez nous par le catholicisme; nous enveloppons dans le même dédain toutes les révolutions religieuses qui se sont accomplies. La Révolution française a péri par cette question, ce sont là ses pieds d'argile (1). »
Cette étude sur la Révolution clôt la série des œuvres de Quinet, qui traitent de l’histoire et de la question religieuses. Il s’en dégage quatre ou cinq idées originales, qui sont comme les lois de sa philosophie de l'histoire.
Voici la première : l'humanité doit ses progrès à ses grands hommes. Ainsi, à la différence de Taine, Quinet est nettement individualiste. Il attribue un rôle capital à la personne humaine. Par là, il se rattache à la grande tradition chrétienne. N'est-ce pas l'Évangile, en effet, qui, le premier, a attribué à toutes les âmes, même les plus humbles, une valeur infinie? Avec Michelet, =" avec Emerson et Victor Hugo, Quinet admet que ce sont les grandes personnalités, les savants de génie, les découvreurs qui font avancer l’esprit humain. Tel a été, à ses yeux, le rôle de Jésus-Christ dans l’histoire; il a incarné en lui la substance et comme la moelle des prophètes d'Israël et doté le monde d'une religion universelle (2).
Une autre loi, formulée par Quinet et reprise par Fustel de Coulanges, dans sa Cité antique, c'est qu'il y a une correspondance étroile entre les institutions sociales et politiques d'un peuple et sareligion. Celle-ci détermine celles-là. Voici un corollaire de cette loi : c'est qu’un peuple ne saurait s'émanciper des institutions politiques du passé, sans adopter une forme de
(1) Lettres d'exil. Ier vol., 7 juillet 1854.
(2) Le Christianisme de la Révolution française, p. 56.