Séance de rentrée des cours de la Faculté de théologie protestante de Paris, le samedi 7 novembre 1903
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près d’être complice... La conscience humaine abrogée, la nuit s'est faite sur le monde. Nous nous sommes trouvés errants dans cette nuit et nous y sommes encore plongés. A qui devions-nous nous adresser pour en sortir? — Au ciel. — Cinquante mille prétres se sont levés et interposés entre le ciel et nous. Ils ont béni l’embüûche, maudit les victimes. Ce jour-là, toute foi a été abolie de la terre (1). »
Je crois entendre encore cette voix grave, solennelle du proscrit, comme celle d’un juge d'outre-tombe, et qui faisait vibrer en nous les fibres intimes du sens moral et du patriotisme.
Edgard Quinet ne désespérait pourtant pas de la résurrection de la conscience. Il conviait à y travailler les églises indépendantes de Rome, spécialement le clergé protestant : « Pourquoi, monsieur, écrivait-il à M. Merle d’Aubigné, le droit du plus fort est-il si universellement admis? La conscience humaine succombe; c'est là un point sur lequel j'aurais voulu appeler l'attention des hommes tels que vous. Les églises s'étendent et l’âme disparaît (2). »
Et à moi-même, Quinet faisait l'honneur d'écrire, à propos de ma thèse de bachelier en théologie, dont il avait accepté la dédicace : « Mes vœux vous suivent dans la voie où vous entrez. Je vous le répète : la plus belle mission, la plus nécessaire aujourd’hui est de retrouver et de refaire la conscience humaine (3). »
Deux ans après, au second Congrès de la paix, à Lausanne (septembre 1869), et surtout, après les élections républicaines du 24 mai 1869, il saluait le réveil de l'opinion publique : « Je demandais, à toute occasion, ce qu'était devenue la conscience humaine; les philosophes et moralistes ne pouvaient me faire aucune réponse. Par un acte spontané, dont personne n'avait mesuré la grandeur, Paris a répondu : « Je vis encore! Je suis la « conscience de la France, la voix de la civilisation. Croyez, es« pérez, vous qui aviez renoncé à l'espérance! » Paris a frayé la route nouvelle, la lumière est faite. Il s'agit de sortir du césarisme, pour entrer dans la vie et la liberté vraie (4). »
(1) Le Livre de exilé, p. 2843.
(2) Lettres d’exil, ILX, p. 295. Lettre du 16 novembre 1867. (3) Lettres d'exil, III, p. 331. Lettre du 14 janvier 1868, (4) Le Livre de l'evilé, p. 255 et 268.