Séance de rentrée des cours de la Faculté de théologie protestante de Paris, le samedi 7 novembre 1903

HS —

Edgar Quinet a eu ce bonheur, si rarement accordé aux exilés, de pouvoir rentrer vivant dans sa patrie; mais il n’y est rentré, hélas! que pour prendre sa part des souffrances du siège de Paris et pour assister impuissant au démembrement de la France. Élu par 200.000 voix député à l’Assemblée nationale, il montra, une fois de plus, sa conscience inflexible dans la défense du droit, en protestant contre les préliminaires du traité de Francfort (1° mars 1881). Il consacra ses dernières forces, à défendre la république contre les entreprises des royalistes, et la neutralité de l’école contre les ingérences du clergé.

IV

Il manquerait un trait essentiel au portrait moral que nous avons essayé de faire d'Edgar Quinet, si nous ne marquions, en terminant, la sympathie qu’il a, en toute circonstance, témoignée au protestantisme. Écartons d'abord un malentendu qui pourrait se produire dans vos esprits : Quinet n’était pas protestant. Suivant le vœu de son père et de ses tantes, il avait été instruit dans la religion catholique; il ft même ses études classiques dans une institution de Lyon, dirigée par l'abbé Rousseau, à la tolérance de qui il a rendu hommage (1).

Mais sa mère était protestante; c'est d'elle qu’il a reçu sa forte empreinte morale et sa largeur d'esprit. C’est elle qui l’initia à ce culte en esprit et en vérité, indépendant de tout formulaire, et qui lui enseigna à prier Dieu, le Père tout puissant, qui nous voit à toute heure et veille sur nous, dans le temple de la nature, en dehors de tout sanctuaire. C’est elle qui lui apprit à écouter la « parole intérieure », vraie base de la morale. Sa première femme Minna Moré, qui était aussi protestante, exerça sa douce influence dans le même sens (1834).

Plus tard, de vingt-six à trente-six ans, à la suite de sa traduction des Zdées sur la Philosophie de l'humanité, de Herder, Edgar Quinet fréquenta l’Université de Heïdelberg et s’y mit au courant de la théologie allemande. « Les marronniers de Heïdelberg, dit-il, étaient en fleurs sur la montagne. J'en suivais les

(4) Histoire de mes idées, p. 193.