Séance de rentrée des cours de la Faculté de théologie protestante de Paris, le samedi 7 novembre 1903
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citoyen de Genève, il n'aurait pas eu besoin, pour nous en convaincre, de mettre son titre en tête de ses ouvrages. M. Chuquet l’a bien vu quand il dit : « Le Dieu de Rousseau est le Dieu d’un genevois, d’un protestant nourri de la Bible : c’est le grand être, personnel et vivant, dispensateur de tous les biens et garant de toute justice (1). » Ce n’est pas le Dieu de Voltaire, vague et froid, qui n’est rémunérateur et vengeur « que pour tenir en bride la canaille (2) ». En poussant plus avant son analyse des idées religieuses de Rousseau, l’auteur aurait bien vu, et facilement, combien Jean-Jacques est pénétré et saturé de moelle protestante. La couleur initiale reparaît sous le badigeon momentané auquel il avait consenti, de bonne foi, je veux bien le croire. Aussi sa «Julie » est-elle une « pieuse protestante » et la Nouvelle-Héloïse toutentière aurait pu fournir à l’auteur des renseignements précieux qu’il à un peu négligés sur la couleur protestante des idées religieuses de son héros.
J.-J. Rousseau était persuadé qu'il servait, de son temps, la cause du christianisme. Le catholicisme ne l'en a pas eru sur parole et a fait brûler ses livres. La Genève trop voltairienne de Tronchin en a fait de même, et c’est tant pis pour Genève. Ceux qui avaient vu juste, c'était cette minorité de pasteurs éclairés, de femmes intelligentes et bonnes qui avaient compris que Rousseau, chrétien incomplet assurément, servait pourtant la cause chrétienne en se faisant devant un monde athée et corrompu le défenseur éloquent et passionné « de Dieu et de la vertu ». Au milieu de tant de faiseurs de ruines, Rousseau, presque seul, a voulu construire, édifier. Nous devons lui en être reconnaissants.
L'auteur du mémoire présenté n’a pas vu d'une manière assez nette le grand rôle que Rousseau a joué comme restaurateur de l'idée religieuse compromise, mais il l'a cependant aperçu. Son exposition manque un peu de logique interne; mais ses renseignements sont exacts, ses idées sont généralement marquées au coin d’un esprit judicieux et pondéré. Ila bien vu que Rousseau, malgré les misères d'une jeunesse vagabonde et abandonnée, a fini par se ressaisir, et que sa vie a été en somme une ascension
(4) J.-J. Rousseau, Paris, Hachette, p. 160. (2) Ibid, p. 159,