Sénat : Session ordinaire de 1911 : Séance du mardi 28 mars
. “personnes, mais dans la pèrsonne de leur
auteur, me sont éminemment suspects. - 1is le sont en raison de la moralité des actes qu'ils ont accomplis depuis qu'ils veulent faire valoir leurs prétentions, et surtout à cause des moyens détournés par lesquels ils ont essayé jusqu'ici, soit auprès des juridictions du tribunal de Ja Seine, soit même auprès de nous, dè nous cacher la vérité sur leur situation juridique.
Un sénaleur à droite. Et financièré!
M. Goirand. En effet, Le premier obstacle qui s'opposait à l'affirmation de leurs droits, c'était, vous le savez, l'acte de décès dressé. en l'an I! à la prison du Temple. Tant qu'on n'aura pas fait tomber cet acte de décès, le dauphin ést régulièrement mort à cette datë et iln y a pas d'autre dauphin que lui. Il suit de là que les Naundortf ont dû faire porter tous leurs efforts contre cel acte, dont ils ont poursuivi la nullité devant le tri bunal de la Seine en 1851.
A cette époque, le tribunal répondant à une instance de tous les héritiers Naundorff, les a déboutés de leur demande. fl invoquait principalement l'invraisemblance de” ce fait que le dauphin aurait été délivré par ses partisans pendant la guerre de Vendée, à l'époque des proclamations enflammées de Charette et d'autres chefs, et cela, sans que. les royalistes l'eussent proclamé à la face du monde, et se fussent servi de cette circonstance, pour ranimer l'ardeur de leurs partisans.
Ge jugement a été frappé d'opposition. Les parties en cause sont extrèémement nombreuses; j'en ai dressé la liste. J'ai fait ensuite le relevé de celles qui avaient interjeté appel: les deux listes concordaient absolument. Mais lorsque je me suis livré au même travail sur l'arrèt rendu par la cour d'appel de Paris en 1874, je me suis apercu qu'il manquait une des parties.
A ce moment, en effet, les Naundorff ont jugé prudent, tout en réitérant l'acte d'ap-
el, de réserver l’un d'eux, de le biffer de la
iste. De cette façon, l'arrêt de la cour qui parait avoir tout d'abord mis fin au débat, n’a en réalité jugé que contre huit héritiers sur neuf. Le neuvième, qui est précisément l’auteur des pétitionnaires, n'est pas lié par cet arrêt. Or ceux qui se présentent à vous, qui déposent cetle pétition pour obtenir de vous la satisfaction qu'ils semblent ne pas oser demander à la cour d'appel, ne vous. disent pas que tous les trois ans, depuis vingt ans, ils est
interjeté appel du jugement de 1851,
(Mouvements divers.) Alors que depuis vingt ans, neuf fois, par acte d'huissier distinct, il a été fait appel de ce jugement, on ne nous en dit rien dans la pétilion.
Il y a là un procédé qui n'est pas loyatx qui provoque légitimement notre suspicion.
Mais il y a plus.
Les pétitionnaires sont, devant le Sénat, au nombre de trois; ils représentent celui des auteurs, Charles-Edmond, qui n'était Dés pires à l'arrêt de La coûr d'appel de
Ici encore vous retrouvez le même procédé qu'en 1874. Au lieu de trois représentants de l’auteur commun, il n'y en a que deux qui interjettent appel tous les trois ans ; le troisième se réserve, C'est vous dire, messieurs, que nous n’en aurons jamais fini avec. cette question. Quand vous l'aurez enterrée ici, on retournera devant la cour d'appel et quand celle-ci aura statué vis-àvis de deux pétitionnaires, le troisième recommencera. (Nouvelle el vive approbalion.) I dira : « Je ne suis pas plus lié-par la décision de la cour d'appel que mes cohéritiers ne l'ont été par l'arrêt de 1874 n |
Messieurs, en présence de pareils procédés, on ne peut s'empêcher de dire que Les pétitionnaires usent, pour faire valoir leurs
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_LSÉNAT — sÉA ÏSEpur28 MARS AOL on
droits, de “moyens qui ne sont pas d'une
absolue loyauté.
à l'égard des pétitionnaires, que st
| nous examinons la vie de leur auteur coms
un ? ;
Gelui-là vous sera bien plus suspect encore quand vous connaîtrez les détails de son existence. C'est l'homme qui, se croyant l'héritier des rois de France, à 1nenti six
fois en déclarant ses six premiers enfants
sous le nom de Naundorf; il est prétendant à la succession de Louis XVI, il dit qu'il est lui-même le dauphin et six fois il ment dans six déclarations successives en faisant enregistrer ses enfants sous le nom-de Naundorff, Quand il se marie une première fois, il ment encore : il se marie sous le nom de Naundorff. Lorsque, six semaines après le décès de sa première femme, il épouse une autre jeune femme de quinze ans, il ment encore en se mariant sous le nom de Naundorff, Dans ces deux actes, il se déclare né en 1775; c'est-à-dire dix ans avant le vrai dauphin. Il y a Là des contradictions, des mensonges, qui ne sont pas faits pour susciter la conliance ni la sympathie.
Mais, quand on examine de plus près la vie de Naundorff, on se trouve en présence de faits véritablement extraordinaires et l'on se demande comment, avec un pareil passé, il a pu élever de semblables prétentions. Un savant auquel faisait allusion M. de Lamarzelle, M. de Manteilleér — je crois ne pas lui être désagréable en le citant M. de Manteiller fait autorilé dans ces questions; sorti avec Le numéro 1 de l’école des Chartes, il est resté quatre ans à l'école de Rome. Puis, il s'est passionné pour la question de la survivance, bien avant qu'elle ne vint devant le Parlement. Il est allé en Allemagne, il y est resté longtemps; il a compulsé les archives de Berlin et il a eu la patience de prendre copie de toutes les pièces, avec les références les plus précises. Il a eu l’extrème obligeance de mettre ces documents à ma disposition, Or, il résulte des dossiers remis aux archives de Berlin, tels qu'ils ont été recopiés par M. de Mantellier, que l'auteur commun, le faux dauphin Guillaume Naundortff, à été poursuivi en 1824, pour fabrication de fausse monnaie.
M. Louis Martin, Cest la preuve qu'il descendait de Philippe le Bel! (#ilarilé sur un grand nombre de bancs)
M. le rapporteur, Il n'a pas été condamné. M. Goirand, Si je me contentais de dire que Naundorif a été poursuivi pour fabrication de fausse monnaie, on pourrait dire que c'est là une accusation vague, une calomnie, Voici ce que je trouve au dossier: Naundorif à été arrêté le 15 septembre 1824, Il avait pour avocat un M. Krugger qui l'a défendu et comme, à cette époque, l'instruction était exclusivement écrite, toute la plaidoirie se trouve au dossier.
Le mémoire en défense est du 2) rnars 1865. Le dossier contient les déclarations des témoins, et notamment celles très précises du témoin Eckert qui déclare, à la date du 2 octobre 1824 :
« C'est un acteur du nom de Weinkauff, graveur habile, qui a fabriqué pour Naundorff un coin en acier permettant de reproduire l’image du roi d'après l'elfigie des thalers. Pour justifier, au regard de Weinkauff, la demande qu'il lui avait faite de fabriquer ce coin, il lui avait dit qu'il en avait besoin pour reproduire l'image du roi sur.ses boîtiers des montres. »
Il résulte de l'instruction que les moules en plâtre servant à la fusion des pièces
t | EE troisième étage d. Mais, si nous éprouvons cefte impression L
& % cs 2 => > } e sa Maison. dl Les faux thalers mis en circulation par aundorf ont été analysés par le directeur. monnaie de Berlin. Dans sa lettre er 1824 au juge d'instruction. à ses analyses.
6, il a trouvé =
Sur une pièce-di 98 gr. 92 d'étain. 44 gr. 33 de plomb. =. 10 gr, 11 de bismuth, a
M. le rapporteur. Vous lisez des rapports =: de police, Naundortf a été acquitté.
M. Goirand. Il a été condamné à trois ang
de prison. M.le rapporteur. Pas pour fausse monnaie. M. Goirand. Le jugement est du 13 août 1825, il a été publié le 8 septembre suivant, et à ce moment le condamné a été transféré à la prison de Brandebourg,
M. le rapporteur, Voulez-vous me permettre une observation ?
M. Goirand. Volontiers,
M. lo rapporteur. Naundorff a éts condamné non pas pour avoir fait de la fausse monnaie, mais pour s'être dit indû= ment fils de roi.
M. Goirand. Vous ne le prouverez pas et je prouve le contraire. .
M. le rapporteur. Lisez le jugement.
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M.Reoymoneng. Si nous demandions La revision du Jugement. (Sourires.)
M. Goirand. Ce jugement de première. instance à été frappé d'appel : la cour d'appel l’a confirmé purement et simplement, après une défense de Naundorff présentée par le même M. Crugger, par un arrêt du 24 décembre 1826.
Naundorf est sorti de prison le 5 mai 1828; une remise de peine de deux mois lui ayant été consentie, sur l'intervention de sa femme; mais comme onle tenait sans doute pour dangereux, on l'a renvoyé sous la sur= veillance de la haute police à Crossen, où il a vécu plusieurs années. Plus tard, il va habiter Brandebourg ; il est nommé bourgeois dans cette ville mais il n’en est pas «moins maintenu sous la surveillance spéciale d'un magistrat, M. Pézold, syndic et cominissaire roval.
M. le rapporteur. Celui-ci est d'ailleurs devenu son meilleur ami et son plus ardent défenseur.
M. Goirand. Les pélitionnaires font grand état du fait que Naundorif à été admis comme bourgeois de Brandebourg&; mais on a une piètre idée des privilèges que pouvait bien conférer ce titre de bourgeois quand on voit celui qui en est gratifié soumis en mème temps à la surveillance d'un magis- . trat.
Voilà, messieurs, la moralité de l'homme, et puisque monhonorable collèeue proteste contre les affirmations et les décisions que j'apporte, je me permettrai de lui dire qu'il n'y à aucun doute en Allemagne, dans les licux où se sont passés ces faits, surle caractère criminel des actes qui ont amené la condamnation de Naundorff.
J'ai entre les mains une brochure publiée par M. Otto Tschich, professeur au gymnase de Brandebourg, archiviste municipal, président de la société des études historiques, et contenant le compte rendu d'une conférence faite par lui il y a deux ans. Elie reproduit les photographies des coins qui ont servi à faire les faux thalers, et l'auteur raconte par le menu le procès à la suite duquel ce prévenu de droit commun a 6t6 cendamné par la justice, -