Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

L'ÉVÊQUE STROSSMAYER 157

de la solidarité slave’. Kollar était un pasteur protestant ; mais pour lui le Slavisme était une forme de la religion et dans cette religion communiaient les représentants des confessions les plus diverses ; des luthériens, des calvinistes, des orthodoxes, des catholiques. |

Dans cette province de Slavonie où il avait été élevé, le futur évèque rencontrait à chaque pas des Serbes orthodoxes et des Israélites.

La tolérance, sous.les formes les plus nobles de la charité chrétienne, fut un des dogmes de sa vie. Kollar prèchait l'union spirituelle des quatre grands groupes slaves, russe, polonais, tchèque et illyrien. Cette union bénie, l’évêque ne cessa de la rêver. Il eût voulu la réaliser dans le domaine moral et dans le domaine religieux. Mais son cœur s’attacha plus particulièrement au groupe illyrien ou sudslave (jugoslavenski), comme on l’a dénommé depuis, et, dans ce groupe, il traita toujours avec la même bienveillance les Croates catholiques et les Serbes orthodoxes. Dans un mandement publié à l’occasion du Carême de l’année 1881, il s’exprimaiten ces termes :

« Nous vivons, disait-il, côte à côte avec des frères du rite oriental. Soyons donc pour eux pleins de charité et de bonté et souvenons-nous que la preuve la plus éclatante de la vraie foi, c’est la charité pure et bienfaisante ; souvenonsnous que la charité est cette force qui domine tout, à laquelle personne ne peut résister. Aimons sincèrement les frères avec lesquels nous vivons, non pas seulement parce qu'ils sont de notre sang et de notre nation, et qu’ils ont le même avenir que nous, mais aimons-les aussi parce que leur liturgie est belle et majestueuse et qu’elle a été introduite dans l’église par saint Basile et saint Jean-Chrysostome que nous honorons etimplorons comme des saints agréables à Dieu, parce que sur leurs autels comme sur les nôtres apparait le Dieu vivant, parce que dans leurs chants sacrés

1. J'ai étudié l’œuvre de Kollar au premier volume de Russes et Slaves. (Paris, Hachette, 1889).