Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

L'ÉVÈQUE STROSSMAYER 163

Les Slovènes étaient particulièrement chers à son cœur.

Chaque année, l’évêque allait refaire sa santé chez eux, en Styrie, à Roitsch (Rogatac) qui est le Vichy des Slaves méridionaux ; il y était reçu avec une tendresse et une vénération enthousiastes. Il avait souscrit pour une somme de mille florins à leur Matica, encourageait leurs étudiants. Aussi les Slovènes s’empressèrent de se joindre à leurs frères croates pour fêter, par des manifestations artistiques et littéraires, le cinquantième anniversaire de son épiscopat.

I ya un demi-siècle, les Bulgares étaient ignorés non seulement de l’Europe, mais même de leur congénères slaves. Les apôtres du Panslavisme, comme on disait alors ou plutôt de la solidarité, de la réciprocité" slave ne connaissaient que quatre groupes, les Tchèques, les Polonais, les Ilyriens et les Russes. Les Petits Russes, les Slovènes, les Bulgares, étaient oubliés. L’évèque fut un des premiers à comprendre le rôle que les Bulgares étaient appelés à jouer prochainement. Dans la lettre qu’il écrivit à l'occasion de la fondation de l’Académie, il indiquait les services qu’elle pourrait rendre aux Croates, aux Serbes, aux S'ovènes, et il ajoutait : « À ces nations pourraient se joindre les laborieux Buloares. Ce peuple, d'environ cinq millions, mérite déjà notre sympathie par cela seul qu’il a devancé däns la littérature non seulement les Slaves du Sud, mais même ceux du Nord. Et dans ces derniers temps, il nous a montré que chez lui n’est pas éteint l'esprit des Cyrille et des Méthode, des Clément, de l’exarque Ivan et du grand tsar Siméon*. »

Pour venir en aide à ce peuple dont personne ne pouvait alors prévoir la rapide résurrection, Strossmayer accorda de larges subventions à deux jeunes patriotes, les frères Miladinov, qui avaient entrepris de recueillir les chants populaires de leur pays natal, particulièrement de la Macédoine.

1. Le mot mutualité n’était pas encore inventé. 2. Voyez sur ces origines littéraires du peuple bulgare mon volume La Bulgarie (Paris, Cerf, 1895). L'ouvrage est mallieureusement épuisé.