Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

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bulgare ». Singulière coïncidence, c’est le même langage que tiendra un demi-siècle plus tard le Slovaque Kollar, le futur poète du Panslavisme.

A Iéna, dit-il, dans ses mémoires, je commençai à éprouver des sentiments inconnus jusqu'alors, des douleurs poignantes, comme celles qui nous saisissent dans les cimetières, mais bien autrement grandioses. C'étaient des sentiments sur la mort du peuple slave dans ces contrées, sur les tombeaux de nos chers ancêtres, des Serbes! écrasés et détruits. Chaque localité, chaque village, chaque rivière, chaque montagne portant un nom slave me semblait un tombeau, un monument d'un gigantesque cimetière.

En citant ces paroles, il y a longtemps, en 1888, j'ajoutais : « Ce patriotisme archéologique fait peut-être sourire ; mais, qu’on y réfléchisse, c’est un sentiment analogue quia produit l’urité allemande ». Paisii nous dit sur le titre de son ouvrage qu'il a composé « pour le profit de notre nation bulgare ». Et au début de son histoire il s’exprime ainsi :

J'ai eu un zèle ardent pour ma race et ma patrie bulgare et je me suis donné beaucoup de mal pour étudier beaucoup de livres et d'histoires afin d'écrire les annales de la nation bulgare. C’est pour votre utilité et votre gloire que je l'ai écrite, vous qui aimez votre race et votre patrie bulgare et qui aimez à connaître votre race et votre langue.

Dans le monastère du mont Athos Paisii s’était rencontré avec des moines grecs et serbes qui le raillaient de ce que sa nation n'avait pas d'histoire, et ces railleries avaient surexcité tout ensemble sa curiosité et son patriotisme. Il voulait, ainsi qu’il le dit dans son épilogue, que ses compatriotes ne fussent plus tournés en dérision et humiliés par les autres nations.

Les Russes et les Serbes se vantent d'avoir avant nous reçu

r. Il s’agit des Serbes de l’Elbe appelés aussi Sorabes.