Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

L'HISTORIEN BULGARE PAISII 187

qu'il y découvrit le livre de Mavro Orbini, dont nous avons déjà parlé ici même à propos de l'historien serbe Raïtch : Z/ regno degli Slavi. Nous savons d’ailleurs qu’en 17617 il était à Karlovei en Croatie', chargé d’une mission par le monastère de Khilandar, dont il était devenu prohégoumène. Il avait à faire exécuter le testament d’un archimandrite de Khilandar, décédé à Karlovei et qui léguait ses biens à la communauté. La signature qu’il eut l’occasion de donner alors est le seul autographe que nous possédions de lui. Il est peu probable qu'il sût l'Italien, et il dut lire Orbini dans la traduction russe exécutée par ordre de Pierre le Grand.

Nous savons encore par une note qui figure sur un de ses manuscrits, celui de Kotel, que Paisii, au commencement de l’année 1765 était dans cette ville qui a joué un si grand rôle dans la renaissance intellectuelle des Bulgares?. Il y rencontra le jeune Sofroni. Il avait apporté avec lui le manuscrit de son histoire et Sofroni en fit une copie, ainsi qu'il nous l’apprend lui-même dans ses Mémoires. Malheureusement Sofroni a oublié de nous dire dans quelles circonstances il avait rencontré l'historien et quelle impression il avait faite sur lui. La Bulgarie renaissante s'efforce par tous les moyens de prouver sa gratitude à ceux qui ont contribué à sa résurrection. À ses peintres, à ses sculpteurs, je me permets de signaler un beau sujet de tableau, de groupe ou de bas-relief: la rencontre de Paisii et de Sofroni. Voilà tout ce qu’on sait de la vie de Paisii. On ignore même la date de sa mort. Sur sa vie morale, sur les raisons qui le décidèrent à écrire — comme il le pouvait — l’histoire de sa nation, il nous fournit quelques indications dans l’épilogue qui accompagne son histoire : « Peu à peu j'étais rongé par le souci, par la douleur que m'inspirait la nation

1. Archiv für Slavische Philologie t. XII, p. 620. Karlovei est plus connu sous la forme allemande Karlowitz.

2. Elle a vu naître notamment l’évêque Sofroni, le médecin pédagoque Biron, l'historien Rakovski.