Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

LA LITTÉRATURE SERBO-CROATE 37

au courant de la science. Les bons travaux ne manquaient pas alors, même en français, sur cette littérature si peu connue. Les trois quarts de l’article sont consacrés à des divagations plus ou moins exactes surles chants des guzlars, tels qu’on se les figurait d’après les fantaisies de Mérimée. Nodier se permet d'émettre un diagnostic doctrinal à propos de cette langue qu'il ignore et de cette littérature qu'il ne soupçonne pas :

Je ne sais, dit-il gravement, si la langue slave aura jamais une littérature classique; je l'en crois très digne sous tous les rapports et il est du moins certain qu'elle a déjà son lliade ou sa Jérusalem ; c'est l'Osmanide, poème épique de Gondola, aussi célèbre chez les Dalmates qu'il est inconnu à Paris!. Toutefois ce poème assez récent n'existe lui-même que dans la bouche des rapsodes et dans quelques manuscrits très rares. En attendant que le poète esclavon prenne son rang parmi les maîtres de l'épopée, ce qui peut arriver un jour, son existence à peine constatée n'occupe pas la renommée à vingt lieues du pays qui conserve ses cendres et je n'ai Jamais entendu nommer un de ses émules dans tout le reste de l'Europe.

Ceci est fort impudent. Dès 1826, Schafarik avait publié à Bude sa Geschichte der Slavischen Sprache und Literatur et en 1837 l'Allemand Olbrecht avait publié à Leipzig un autre ouvrage sur les littératures slaves, où Nodier aurait eu beaucoup à apprendre, et où le nom de Gondola ou mieux Gundulic n’était pas ignoré.

Nodier continue ainsi sa notice :

Le culte de la Muse slave a dû être beaucoup plus dédaigné dans la civilisation scolastique et universitaire des âges moder nes; mais je ne doute pas qu'il ne se rétablisse un jour.

Le bon Nodier et le Dictionnaire de la conversation savaient se contenter de peu. L'Osmanide avait été publiée en 1803 et en 1826? et traduite en italien dès 1827. Quant à

1. Nous parlerons tout à l'heure de cette Osmanide.

2. J’ai dans ma bibliothèque un magnifique exemplaire de l’édition de 1826 (3 volumes in-8°, Raguse) qui aurait certainement réjoui le cœur de Nodier, lequel était, comme on sait, un passionné bibliophile, |