Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires
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ce culte de la Muse slave, que l’auteur de Jean Sbogar croyait si dédaigné, nous verrons tout à l’heure dans quelles œuvres et par quelles mains il avait été célébré.
Revenons à Vodnik; il fut un précurseur non seulement comme poète, mais aussi comme publiciste. Il fonda le premier Journal de son pays, les Ljublanske Novice ( Gazette de Laybach). En 1827 une chaire de slovène fut créée dans cette ville; cetidiome trouva son grammairien dans la personne d’un philologue qui d’ailleurs écrivait en allemand et qui a joui d’une réputation européenne, Kopitar. Depuis, la nation slovène a donné au monde slave un autre grand philologue, Miklosich, qui fut professeur à Vienne et associé de. l’Institut, et qui d’ailleurs ne se piquait guère de patriotisme slave. De tous les peuples slaves de l’Autriche-Hongrie les Slovènes sont ceux qui ont les prétentions les plus modestes. Ils n’ont pas dans leur histoire de faits bien saillants et, malgré la dénomination purement fictive de Royaume d'Illyrie, ils ne sauraient avoir la prétention — comme les Tchèques, les Polonais ou les Croates — de reconstituer un état qui n’a jamais existé. Ils ne rêvent ni d’une grande Slavie, ni même d’un royaumeillyrien; ce qu'ils voudraient avoir, ce que leur promet d’ailleurs la constitution, c’est une université nationale à Laybach. Leurs voisins, les Croates, en ont bien une à Agram.
En littérature les Slovènes n’ont pas eu, comme d’autres peuples, comme leurs congénères, les Russes et les Polonais, à passer par la crise douloureuse de la lutte des classiques et des romantiques. Avec François Presern (né en 1800, mort en 1849), la poésie slovène entre de plain-pied dans le romantisme ; elle s’inspire de Byron, de Mickiewiez, des balladistes allemands, mais elle puise aussi directement aux.sources de la vie populaire.
Stanko Vraz (1810-1851), après avoir débuté en recueillant et publiant les chants populaires de son pays, passa chez les Croates, où nous le retrouverons plus loin, et devint chez eux le plus grand poète de la période dite illyrienne.