Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt

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où 1l passa la nuit. Sa maison était gardée par la police. L'Impératrice, prévenue, trouva nécessaire de soutenir l'autorité de son comité et Paisiello subit son arrêt durant vingt-quatre heures. La grande-duchesse et d'autres personnages se mélèrent de l'affaire et engagèrent Paisiello à faire des excuses au comité en sortant des arrêts. I le fit et aussitôt demanda son congé à l’Impératrice sous le prétexte que la santé de sa femme exigeait son air natal. L'Impératrice, fâchée, refusa, mais accorda à Paisiello d'aller passer une année dans sa patrie avec ses appointements de 1.000 roubles. A son retour, il ne devait plus avoir affaire qu'à elle. »

À cette époque, il y avait aussi à Saint-Pétersbourg une célèbre canlatrice nommée la Todi, Le 11 avril 1784, Mie L. en parle dans les termes suivants : « Jeudi dernier, elle a chanté pour la première fois au concert de l'Hermitage, L'Impératrice, qui n'aime point la musique et fait toujours sa partie tout le temps qu'elle dure, s'est

- levée cette fois de sa table à jeu et a dit à la Todi : « Madame, quoique votre renommée vous ait devancée en Russie, je trouve qu'on ne vous a pas encore rendu assez justice, car vous m'avez, pour la première fois, fait sentir les charmes de la musique dont, avant de vous entendre, je n'avais jamais pu comprendre les effets. » Elle lui témoigna à trois reprises son contentement, et lui fit cadeau d'une paire de bracelets du prix de 2.000 roubles. » Et à la date du 30 septembre 1785 : « L'Impératrice désire que la Todi lui chante des petits airs de guitare plutôt que ses grands airs accoutumés. Celleci paraît un peu surprise de ce goût, mais sera obligée de s'y prêter. En général, la grande dame veut plutôt être amusée qu'attendrie dans ses heures de récréation. »

M: L. raconte encore qu'on présenta un jour à l'Impératrice un artiste français qui en avait reçu quelques dons. Il voulait la remercier, mais sa timidité et son embarras ne lui permirent pas de trouver d'autres mots que : « Je ne puis », qu'il répéta plusieurs fois. Alors l’aimable souveraine lui dit : « Je vois bien, mon ami, que vous ne pouvez pas, mais moi Je puis », et elle lui donna sa main à baiser, ce qui mit fin à la conversation.

À la date du 26 janvier 1786, M'e L. raconte que l’on a donné à l'Hermitage le grand opéra d'Armide qui a pleinement réussi, et que l'Impératrice, pour témoigner son parfait contentement aux chanteurs et aux danseurs, leur a fait de superbes cadeaux.