Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt

18 J CARŸ

Le 18 octobre 1786, Me L. assiste à la représentation de l'opéra de Castor et Pollux. « L'Impératrice avait son habillement ordinaire qu'il faut être accoutumé de voir pour ne pas le trouver singulier : c’est le costume russe qu’elle ne quitte jamais. Elle avait à ses côtés, un peu en arrière, son petit-fils, le grand-duc Alexandre, et le général Soltikoff son gouverneur. Le comte d’Anhalt et M. de Nonmonoff étaient placés derrière elle; puis les demoiselles d'honneur et les chambellans et gentilshommes de la chambre qui étaient de service. Elle s’entretenait souvent avec les personnes placées près d'elle, donnait le signal d'applaudir, mais était plus occupée des spectateurs que du spectacle. »

Décidément la grande Catherine avait plus de goût pour la politique et les affaires que pour les arts. Le 18 octobre 1789, Mie L. écrit : « L’opéra de Cimarosa — que l'Impératrice avait appelé en Russie — ne dura pas plus d'une heure. L’Impératrice s'ennuie dès qu'un opéra dure plus d’une heure. »

Tous les mercredis, il y avait concert à la Cour et tous les jeudis spectacle au théâtre de l’'Hermitage. Lorqu'on y donna pour la première fois le nouvel opéra de Sarti : Z! mondo della luna, l'Impératrice fit demander à Mazzoni, primo-boulfe de l'Opéra, s'il ne se passait rien dans l'empire de la lune. Il fit répondre que le bois y était infiniment moins cher qu'à Pétersbourg. Ce mot hardi lui valut deux chars de bois que la grande dame lui envoya pour le consoler de la différence du prix.

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Si l'Impératrice avait peu de goût pour la musique — quoiqu'elle s'empressât d'appeler à sa Cour les musiciens célèbres — en revanche, elle témoignait une grande faveur aux savants et aux hommes de lettres. Voltaire lui avait donné le surnom glorieux de Sémiramis du Nord et entretenait avec elle une correspondance. Pressé par le besoin, Diderot vendit sa bibliothèque à l'Impératrice, devenue son amie, qui se chargea de son entretien. Le journal de ML. renferme sur ce sujet quelques anecdotes. Le 12 novembre 1783 : « Il y a quelques années, l'Impératrice, charmée de l'ouvrage du marquis de Beccaria (Les délits el les peines, proposa à l'auteur de venir s'établir à Saint-Pétersbourg. Ses offres étaient séduisantes. Beccaria