Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt

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était très indécis et demanda conseil à d'Alembert qui lui répondit en deux lignes : « Mon ami, vous êtes bien et le plus grand ennemi du bien, c'est le mieux. » Le marquis remercia du conseil et resta où 1] était. »

Le célèbre voyageur et naturaliste Pallas, de Berlin, attaché à l'Aca_ démie de Saint-Pétersbourg, avait formé un très beau cabinet d'histoire naturelle. Me L. raconte l’anecdote suivante, 26 septembre 1785 : « L’Impératrice vient d'acheter du professeur Pallas une collection du cabinet d'histoire naturelle qu’il estimait 15.000 roubles. L'ayant reçue et examinée, elle lui fit dire qu'il n’était pas aussi bon calculateur que savant naturaliste, puisqu'il estimait 15.000 ce qui en valait 20.000, et que c'était sur ce pied qu’elle voulait le payer. L'Impératrice a un talent particulier pour rehausser le prix des grâces qu'elle accorde. »

Le docteur Weicardt était le médecin allemand de la Cour. que Catherine avait voulu avoir après avoir lu son Médecin philosophe. C'était un homme d’une figure singulière, contrefait, de manières rudes. Blessé par des jugements qu'on avait portés sur son compte, il se renferma chez lui : l'Impératrice apprenant que, depuis quelque temps, ilne venait plus à la Cour, s'imagina lui avoir fait de la peine et lui écrivit en allemand un charmant billet où elle lui disait entre autres choses que, si elle s'exprimait mal, elle pensait bien. Elle le grondait de son extrême susceptibilité et lui disait que, pour vivre content, il faut savoir excuser les faiblesses des autres hommes, et elle finit par lui conseiller de lire quelques pages qu'elle lui indiqua dans l'ouvrage de Zimmermann (La solitude). Weïcardt, touché jusqu'aux larmes de cette extrême bonté, courut auprès d'elle. Elle le reçut fort bien, lui demanda s'il n'avait pas encore pensé à acheter une maison, lui recommanda de s'informer de celles qui étaient à vendre et de venir lui dire celle qu'il aurait choisie. Quand il y retourna pour cet elfet, elle lui dit : «Je vois bien que vous ne savez pas ce qui vous convient ; je m'en charge », et, le lendemain, elle lui acheta une maison d'un prix double de celle qu'il avait vue et qu'il avait proposée.