Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt

SOUVENIRS DE RUSSIE 29

Décembre 14 : « Mardi, fête de l'ordre de Saint-André. L'Impératrice n’est point sortie de ses appartements; on la dit fort enrhumée. Me la grande-duchesse n’a point paru non plus: elle se désole de ce que le grand-duc va partir pour l’armée et qu'elle n’a pas obtenu la permission de le suivre. Par contre, son auguste époux est enchanté d’avoir obtenu l'agrément de faire une campagne. Il partira, dit-on, en février, avec une très petite suite. »

On en était I de cette guerre avec la Turquie, lorsque, dans le courant de l’année 1788, la Suède déclara la guerre à la Russie. Bien que ces deux guerres aillent maintenant se poursuivre parallèlement, nous continuerons à emprunter au journal de Mie L, ce qu'il rapporte de la première avant de parler de la seconde.

1788, 8 juillet : « L’escadre russe de la mer Noire a encore remporté un avantage sur celle des Tures. Quatre de leurs vaisseaux ont été brûlés, deux coulés à fond et un septième est échoué. C'est encore le prince de Nassau qui a fait cette prouesse. Un de ces vaisseaux était celui du capitan-pacha, qui s’est sauvé dans un autre, et si précipitamment que le pavillon et l'étendard sont restés entre les mains des Russes, accident qui a causé un fort grand deuil parmi les Tures, lesquels, s'étant retirés sous le canon d'Ocksakolf, sont restés quarante-huit heures avant d’arborer un autre pavillon. On dit que l'amiral ture a été si furieux de ces désastres qu'il a sabré de sa propre main plusieurs de ses gens. Mais nous avons aussi dans notre flotte des personnages qui ne lui cèdent en rien en férocité. Allexiane, un Grec qui a aussi fait le corsaire pendant un temps, est un autre Paul Jones (un corsaire fameux). Dans cette dernière affaire, on a fait 5.000 prisonniers aux Turcs; aussi, demain, on chantera le Te Deum dans nos églises. »

Le 20 octobre : « On a reçu des nouvelles de la prise de Chokzim que les Russes, de moitié avec les Autrichiens, ont pris aux Tures. Quelqu'un disait assez plaisamment à cette occasion : « Il est singulier que nous ne puissions parvenir à chanter un Te Deum tout seuls, et que ce soit toujours de moitié avec nos amis ou avec nos ennemis, car, lors du combat d'Hochland, les Suédois ayant aussi pris un vaisseau russe, ils ont chanté le Te Deum ainsi que nous. »