Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt

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quelques rafraichissements. Celui-ci voulut lui faire quelques obser:vations, mais Souvarolf déclara que si le prince ne voulait pas être de la partie, il attaquerait tout seul avec ses Russes. Cette résolution ferme décida le choc et ce parti, certainement, leur fit remporter la victoire. L'Impératrice a fait Souvaroif comte pour ce dernier avantage. On peut dire que la guerre a été favorable pour lui de toutes manières ; les honneurs et les richesses sont {tombés sur lui de tous côtés, et cela n’est pas étonnant quand on connaît sa manière d’être. À côté de sa bravoure, c'est une tête brûlée comme il n'y en a point. Avec cela, il est loyal, incapable d’intrigue et passablement ridicule dans son ton et ses allures, ce qui est cause qu'il amuse ceux qui sont en faveur sans jamais les inquiéter. Chacun est pour lui parce qu'on ne saurait disconvenir qu'il ne soit très utile, et personne n’est contre lui parce qu'on voit qu'il ne cherche à passer personne. »

Le 31 : « On a reçu ici la nouvelle que nos troupes ont pris Ackermann et Palengen (?) »

Le 27 novembre : « On vient de recevoir la nouvelle de la prise de Bender que les Tures ont rendue par capitulation sans avoir tenté le moins du monde de se défendre, quoiqu'ils fussent 20.000 dans la place. C'est inconcevable combien ils craignent les Russes ! Le prince Potemkin est adoré de ses troupes et en fait ce qu'il veut. Une gazette nous dit que ses grenadiers ont composé une chanson qu'ils chantent dans les marches, où ils disent entre autres : « Potemkin, notre Père, sur un seul mot de ta bouche, nous avons pris Ocksakolf; dis un mot et Constantinople est à toi! »

1790. Le 16 août : « L'Inpératrice vint hier en ville pour assister à un Te Deum au sujet d’un avantage remporté dans la mer Noire. Les Te Deum commencent à devenir fréquents chez nous, mais le public a besoin du bruit que cela fait pour être rassuré à l'égard des Suédois. »

1791. Le 10 janvier : « Hier, on reçut la nouvelle que la forteresse d’Ismaïla à été prise d'assaut par le général comte Souvaroff. On s'est battu comme des enragés ; le combat a duré quatorze heures et six heures dans les rues. Trois de nos brigades ont été fort maltraitées : 400 officiers, tant tués que blessés, On dit que tous les offi-