Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt

SOUVENIRS DE RUSSIE ai

Jassy où il arriva trop tard. Du reste, ses jours étaient comptés. La famille Czernicheff était arrivée à Vienne. Le 8 novembre, Me TI. écrivait :

« On vient de recevoir ici par un courrier extraordinaire la nouvelle de la mort du prince Potemkin, malade depuis quelque temps d'une mauvaise fièvre. Il voulait, malgré l'avis des médecins, se faire transporter de Jassy où il était, dans une autre ville (à Ocksakoff), mais son mal empirant en route à tous moments, il fallut, à sa demande, le sortir de son carrosse et le coucher sur son manteau au milieu du grand chemin, où il expira entre les bras de sa nièce, la comtesse Branitzka, au milieu de sa petite suite désolée de sa perte. Il n'avait que 55 ans. » Et Me L, fait suivre cette mention d'une mort si dramatique de cette réflexion fort sage : « Quel exemple frappant de l'instabilité de la fortune ! Au moment de jouir des honneurs que sa souveraine lui aurait accordés, après une paix glorieuse, et où tout était préparé pour son triomphe à Pétersbourg ! L’Impératrice sera désolée en apprenant cette funeste nouvelle. » Elle le fut, en effet, et M'e L. le constate dans ces lignes écrites le 16 novembre : « On reçut hier soir des nouvelles de Pétersbourg où la mort du grand prince à causé beaucoup de sensation (sic). On se rassemblait pour l’'Hernitage. Tout fut renvoyé. L'Impératrice pleura beaucoup et ne sortit point de son appartement. Le lendemain, le comte Betzbaradin est parti pour Jassy, afin de conclure la paix dont on dit les préliminaires déjà arrêtés. »

La fortune de Potemkin était immense et provenait uniquement des dons de la souveraine. C'est ce que constate le journal de Mie L. « Il laisse à chacune de ses cinq nièces 12.000 paysans, et à chacun de ses trois neveux, 16.000, ou 6 millions 100.000 roubles, maisons, bijoux, effets précieux. L’Impératrice s’est chargée de tous ces derniers objets et l’on suppose que la plus grande partie est destinée à être répandue en dons pour la paix. »

C’est encore à Vienne, le 18 janvier 1792, que le comte Czernicheff reçut un courrier de Jassy apportant la nouvelle de la conclusion de la paix avec les Turcs. Cette paix n’était pas moins nécessaire à la Russie, à cause du mauvais état de ses finances, qu'aux Ottomans accablés par tant de défaites. La guerre n'avait pas duré moins de cinq ans.