Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt

8 . J. CART

impriunait un caractère si auguste à toute sa personne, que la familiarité n'aurait pas pu tenir en sa présence. »

Quelques jours plus tard, Me L. visite le palais et les appartements de l'Impératrice à l'Hermitage et elle en fait une longue description. Mais elle ajoute philosophiquement : « Nous restâmes là trois heures d'horloge pour voir tout ce que je viens de décrire. Quelles pauvres chétives créatures nous sommes! Nous nous lassons de tout, même du plaisir, car j'avoue de bonne foi que j'attendais avec une sorte d'impatience le moment d’avoir tout vu : ee qui fait bien sentir qu'il faut, en toutes choses, peu à la fois pour éviter la satiété et vivre heureux et content. »

Au mois de mai, la Cour partait pour Czarskoë-Selo, d'où elle ne rentrait à Pétersbourg qu'au retour des frimas. À cette occasion, Me L. écrit : « L'Impératrice se propose toujours d'aller à la campagne pour y jouir des premiers beaux jours et des douceurs d'une vie plus simple. Que de grandeur et de bonté réunies ! Je ne vois rien de plus intéressant que de se représenter la même femme qui tient si glorieusement les rênes d'un si grand empire, lisant et travaillant à de petits ouvrages de son sexe, tous les moments où elle n'est pas occupée de soins plus importants! »

Quelques jours plus tard, cependant, et malgré les charmes de Czarskoë-Selo, l'Impératrice, emmenant avec elle le comte Czernicheff, allait voir des cataractes qui gênaient la navigation dans le gouvernement Ge Moscou, et se proposait de faire creuser un canal pour remédier aux obstacles que la nature opposait à ses vastes desseins. À cette date du 1° juin 1785, Mie L. écrit : « On dit que l'Impératrice a banni toute cérémonie durant son voyage et qu'elle est charmante en pareille occasion. » — Et plus tard : « L'Impératrice garde une parfaite neutralité entre les messieurs qui sont du voyage, en les prenant tour à tour dans son carrosse. Il est vrai que, suivant sa sagacité ordinaire, elle n'a admis que des hommes avec lesquels on peut faire route sans craindre l'ennui. On dit que les ministres étrangers, qui nesont pas accoutumés à tant de familiarité de la part de leurs souverains, en sont enchantés. »

Entre autres endroits où la grande Catherine résidait de temps à autre, il faut mentionner le château de plaisance récemment construit, auquel l'Impératrice avait donné le nom de Pella, d'après la ville où naquit Alexandre le Grand. « On voit, dit à ce propos