Souvenirs des campagnes du lieutenent-colonel Louis Bégos, ancien capitaine-adjudant-major au deuzième régiment suisse au service de France

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était suivi du capitaine Hopf et de l’adjudant-major Tschudy. Ces deux derniers avaient aussi des coups de feu dans les jambes. Ils étaient aussi à cheval comme moi. On leur avait procuré des traîneaux, et les pauvres officiers suisses partirent ensemble, en caravane, heureux de se revoir encore avant de mourir !

Notre lugubre convoi était accompagné des lieutenants Feer et Monney, et de tous nos fidèles soldats. Le soir, nous arrivâmes à Nassibow, où nous passâmes une nuit passable dans une grange ; mais là nous nous aperçûmes que l’état de notre brave colonel empirait ; il avait l’air ferme et résigné, et souffraitsans proférer une plainte. Sa blessure était grave, mais son exaspération l'était encore davantage. Il paraît qu'il existait chez certains officiers de l’armée française un mauvais vouloir instinctif contre les Suisses, et notre digne et courageux colonel avait à se plaindre de l’ingratitude de plusieurs officiers haut placés. Non pas pour lui, disait-il, mais pour ses compatriotes, qui n'avaient que la mort et l'oubli en partage! Aussi était-ce avec le désespoir dans l'âme qu'il racontait cette lutte inégale, où les Suisses du deuxième régiment combattaient un contre vingt.